RDC-USA : minerais critiques contre la sécurité, Tshisekedi sort l’artillerie lourde

À la croisée des enjeux miniers et sécuritaires, Félix Tshisekedi engage la République Démocratique du Congo dans une négociation d’envergure avec les États-Unis. L’objet : un accord inédit sous forme de troc, échangeant minerais critiques contre soutien militaire. Pour piloter cette opération à haute valeur stratégique, le président congolais a mis en place une troïka de choc : Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre d’État en charge des Affaires étrangères, Kizito Pakabomba Kapinga Mulume, ministre des Mines, et Guy-Robert Lukama Nkunzi, PCA de la Gécamines SA.

Ces « trois mousquetaires » de la diplomatie minière congolaise sont chargés de négocier, clause par clause, un partenariat que Kinshasa espère gagnant-gagnant.

La structure de négociation mise en place par Fatshi ne laisse rien au hasard. Autour du trio ministériel, une équipe étoffée d’experts juridiques et techniques vient muscler les pourparlers. Parmi eux, Me Pascal Agboyibor du cabinet ASAFO & CO, avocat de renom sur les dossiers miniers africains, et un secrétariat technique de 22 spécialistes auront pour mission de suivre l’évolution des discussions et de documenter leur implémentation. Cominière SA et le Cadastre Minier (CAMI) sont aussi associés, signe de l’importance accordée aux aspects fonciers et aux réserves stratégiques.

L’objectif est clair : éviter les dérives opaques et déséquilibrées du passé. Nombreux se souviennent des contrats chinois, passés sous silence pendant plus d’une décennie, jusqu’à ce que Jules Alingete Key, alors à la tête de l’IGF, ne force leur révision. Résultat : 7 milliards USD d’investissements additionnels pour les infrastructures congolaises. Tshisekedi veut reproduire cette exigence de transparence et de rigueur, cette fois avec Washington.

Au cœur des tractations figure le lithium de Manono, l’un des plus riches gisements du continent. Ce site suscite l’appétit du groupe américain KoBold Metals, adossé aux milliardaires Bill Gates et Jeff Bezos. En apaisant le contentieux entre Cominière et AVZ Minerals, KoBold a su convaincre et pourrait bientôt s’installer durablement à Manono. Son credo ? Allier intelligence artificielle et géologie pour sécuriser l’approvisionnement mondial en minerais de transition énergétique. Le patron de KoBold, Kurt House, ne s’en cache pas : « La RDC est probablement le meilleur endroit au monde pour les matériaux que nous recherchons. »

Cette présence américaine, si elle se concrétise, pourrait envoyer un signal fort à Wall Street et à d’autres investisseurs : la RDC n’est plus un no man’s land minier, mais un partenaire stratégique incontournable.

Mais tout n’est pas rose au pays des minerais critiques. La présence de Guy-Robert Lukama dans l’équipe de négociation suscite des interrogations. Dans certains cercles de la société civile, il est perçu comme l’« Albert Yuma » de l’ère Tshisekedi, un homme d’influence aux rôles multiples, parfois jugé trop proche des réseaux opaques de l’ancien régime. Ses détracteurs redoutent des clauses nébuleuses dans les accords en cours, d’autant plus que les États-Unis ont élargi à cinquante (50) le nombre de minerais jugés stratégiques, tous présents ou repérables sur le sol congolais.

Parmi eux : cobalt, cuivre, lithium, nickel, niobium, tantale, coltan, et bien d’autres métaux rares. Les enjeux sont colossaux. Et les appétits, féroces.

Au-delà du volet économique, c’est la sécurité nationale qui pousse Kinshasa à accélérer le partenariat avec Washington. Dans l’est du pays, la situation reste explosive. Sous la bannière de l’AFC/M23, les troupes rwandaises multiplient les offensives contre les FARDC et les milices Wazalendo. L’hypothèse d’un appui militaire américain prend de l’ampleur. À cette fin, la RDC a engagé le cabinet Von Batten-Montague-York, spécialisé dans le lobbying auprès de l’administration américaine, pour fluidifier les négociations stratégiques.

Dans ce bras de fer régional, Kinshasa espère une prise de position ferme des États-Unis. D’autant plus que Kigali a lui aussi signé un partenariat minier avec Washington. Cependant, sous la pression des ONG et des rapports des services de renseignement, tant les États-Unis que l’Union européenne ont récemment durci le ton à l’égard du Rwanda, l’accusant ouvertement de soutenir militairement et logistiquement le M23, et d’occuper illégalement des sites miniers comme Rubaya, riche en coltan et niobium.

En misant sur une alliance stratégique avec les États-Unis, Tshisekedi joue gros. Mais il entend aussi envoyer un signal fort : la RDC ne veut plus être un simple réservoir de minerais bradés. Elle exige des contreparties claires, en argent, en infrastructures et en sécurité. Un virage diplomatique que d’aucuns jugent périlleux, mais que le président congolais assume, convaincu que le développement national passera par des deals transparents et équilibrés.

La rédaction