RDC : le silence inquiétant de Joseph Kabila Kabange, est-ce une force de l’âme ou une faiblesse d’esprit ? (Billet de PAUL ZAÏDI)

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Cette question est en tout autant de forme que de fond. Pour ce qui est de la forme, il est légitime de s’interroger sur quoi se focalise ce silence oxygéné de cet ex-président Joseph Kabila qui se manifeste en fonction d’une énigme et d’une encyclopédie mystérieuse, sur laquelle l’attention est obligatoire à tout prix dans la perspective de mieux conduire le pays de Lumumba à bon port.

Puisque en marge sociopolitique, le mutisme s’inscrit dans la logique variante absolue du silence inavoué. Soit le fils de Laurent Désiré Kabila est barricadé dans une forteresse intérieure qui l’empêche de communiquer avec la constellation politique, soit il s’enferme dans un silence qui signifie : « Je ne veux rien dire sur les instabilités observées partout au sein de la mère patrie ».

Cependant, Président de la République Démocratique du Congo du 17 janvier 2001 au 25 janvier 2019 et sénateur à vie depuis le 15 mars 2019, Joseph Kabila Kabange appelé affectueusement « Raïs » par ses proches, qui a dirigé le pays pendant plus de dix-sept ans, est un personnage silencieux.

Pour parler honnêtement, il est une personne que beaucoup ont du mal à cerner. Son silence dominant et parfois stressant, lui donne toujours l’impression « d’une maîtrise parfaite de soi-même et déstabilise ses antagonistes ». Sa stratégie de garder le silence lui permet finalement d’imposer une distance respectueuse dans sa vie politique.

Cet ancien chef de l’Etat congolais se révèle profondément insondable sur fond d’un caractère visiblement verrouillé. Son silence lui met toujours à l’abri des jalousies, des mauvaises pensées, et des ennemis. Le silence lui permet d’éviter de nombreuses humiliations. Pourtant, sans bien connaître l’homme de Kingakati, devenu « Recteur de l’Université de Kara », estiment plusieurs citoyens lambdas.

Accusé à tort ou à droit par le régime de Kinshasa de faire ombrage aux plannings gouvernementaux, et sur les ruines d’un Congo tellement en lambeaux, ensanglanté par la guerre asymétrique et dévasté en outrance au plan socio-économique, Joseph Kabila Kabange s’est résigné de s’effacer intelligemment et ne pas prétexter la vitalité substantiellement politique de son successeur Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.

En revanche Joseph Kabila, ex-maquisard arrivé au pouvoir en 2001 après l’assassinat de son père biologique, Laurent-Désiré Kabila appelé aussi « M’zee » par ses adeptes, n’a jamais fait le moindre commentaire sur la situation dans l’est du pays, en dépit de la résurgence du M23, fin 2021, et de la création de l’AFC en décembre 2023.

Son éviction de la scène politique congolaise deux après l’élection de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo (Fatshi-Beton), en 2019, et malgré la coalition politique (FFC-Cach) que les deux hommes avaient formée, a rendu ses prises de parole aussi rares que ses apparitions.

Toutefois, l’époux cher à Olive Lembe ne manque pas ni de finesse ni d’intelligence. Il brille par sa discrétion et anesthésie le débat politique, au risque de donner l’impression d’une attitude émotionnelle liée à la nostalgie de céder le pouvoir, dans un couloir primitif de l’alternance pacifique de la RD Congo depuis l’indépendance de 1960.

Au finish, « il y a silence et silence ». C’est-à-dire il existe un silence qui est fondamentalement du côté de l’écoute. Il faut être silencieux, il faut qu’il y ait un silence intérieur pour pouvoir entendre l’autre. Parfois le silence, c’est à la fois la condition de la parole de protagonistes et la condition de sa propre parole en tant que sujet, dans la mesure où l’on répond en notre nom et pas à la place de l’autre.

Lorsqu’on interrompt le silence intérieur pour interrompre l’autre, on peut dire qu’en rompant la parole de l’autre, on prend le risque de mettre ses mots dans les siens. C’est un obstacle au paysage politique.

PAUL ZAÏDI

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