RDC : les avis divergent sur la demande de la levée du moratoire sur la peine de mort dans les services de sécurité par le conseil supérieur de la défense

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La demande du rétablissement de la peine de mort notamment dans les services de sécurité a été formulée par les membres du conseil supérieur de la défense le lundi 5 février, au soir. Lors du conseil des ministres, en fin de la même semaine, les membres du gouvernement avaient à leur niveau pris acte de cette demande, au sujet de laquelle le chef de l’Etat ne s’est pas encore prononcé jusqu’ici. Les services de sécurité sont visés sur base de différents rapports des organisations de la société civile et des activistes des droits de l’homme qui font état de la complicité de certains officiers de l’armée congolaise avec les rebelles, pour leur vendre les plans de guerre ou pour leur transférer des informations secrètes de l’armée ou d’autres services, comme le renseignement militaire ou civil de la RDC. Si la proposition de lever le moratoire sur la peine de mort est soutenue dans l’opinion indignée par le comportement de certains officiers de forces de sécurité, certains juristes et activistes citoyens relativisent leurs avis.

Placide Itula, juriste et activiste citoyen membre du mouvement citoyen ‘LUCHA’ à Goma, estime que la levée de la peine de mort devrait s’étendre également sur les civils, notamment les responsables publics qui détournent des millions de dollars destinés à la reconstruction des infrastructures publiques en RDC. Pour lui, les crimes financiers qu’ils commettent ne sont pas différents des militaires qui cèdent des localités aux rebelles en contrepartie de l’argent. Il reste cependant ouvert à l’idée que l’enquête devrait être bien menée pour chaque cas de trahison de la république pour éviter d’exécuter des innocents.

La procédure d’enquête judiciaire pose encore en effet un sérieux problème en RDC, poursuit le juriste et avocat au barreau du Nord-Kivu, Prince Batundi Tussi, même s’il pense que la levée du moratoire sur la peine de mort pourrait avoir un effet dissuasif dans les services de sécurité congolais. Pour prévenir des abus, il recommande dans le cas de la levée du moratoire que la justice organise des jurys populaires, marqués par des enquêtes suffisamment fouillées. Il pense quoi qu’il en soit que la peine de mort est une peine dégradante car il y’a toujours lieu de punir sévèrement les coupables d’une autre manière.

Le risque que la peine de mort serve d’un moyen de punir des opposants politiques ou ceux qui ne s’alignent pas dans l’ordre du pouvoir en place est posé par Vicar Hangi Batundi, coordonnateur de l’ONG de droits de l’homme, FDAPID. Il considère le rétablissement de la peine de mort comme un recul car le moratoire avait été instauré dans un processus qui devrait mener jusqu’à l’élaboration d’une loi contre la peine de mort, or le pays n’y est pas encore. Il recommande que les traitres dans les services de sécurité soient juste jugés par la justice militaire. Il fait observer que les autorités doivent privilégier le droit à la vie à la peine de mort.

A son niveau, juriste et activiste citoyen au sein du mouvement Filimbi, Christophe Muyisa, croit que le président de la république ne pourra pas lever le moratoire sur la peine de mort car la RDC est signataire du statut de Rome qui a aboli la peine des morts dans les Etats membres, en créant la cour pénale internationale (CPI). Il estime quand même que si la peine de mort avait été rétablie elle contribuerait à lutter contre l’impunité qui encouragerait certains officiers de l’armée à trahir le pays. Il fait observer que la RDC compte aujourd’hui plus d’une centaine de groupes armés alors qu’elle n’en avait qu’une dizaine il y’a une vingtaine d’années.

Par Frédéric Feruzi

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