Alors que l’Est de la République démocratique du Congo continue de subir les conséquences de conflits armés récurrents depuis plus de trois décennies, la situation sanitaire dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu atteint un niveau alarmant. Dans un communiqué publié ce mercredi 18 juin, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s’est dit « profondément préoccupé par la dégradation générale du système de santé » dans ces zones en proie à la violence, notamment depuis la résurgence de la rébellion du M23-AFC en novembre 2021.
Des structures à bout de souffle
Le CICR révèle qu’une étude menée entre avril et mai 2025 dans 109 centres de santé de ses zones d’intervention met en évidence un effondrement progressif de la prise en charge sanitaire. Des données inquiétantes ont été relevées concernant les soins aux mères et aux enfants, la prise en charge des blessés de guerre, des victimes de violences sexuelles et la prévention des maladies épidémiques.
« Aujourd’hui, avec un accès à des soins et à des médicaments fortement restreint, les risques pour une personne vivant au Nord ou Sud-Kivu de succomber des suites d’une blessure par arme ou suite à une simple diarrhée n’ont jamais été aussi élevés », déplore François Moreillon, chef de la délégation du CICR en RDC.
Accès limité, soins réduits, mortalité en hausse
Les combats et l’insécurité entravent sérieusement le transfert des malades et blessés vers les structures adéquates. L’acheminement des médicaments, souvent bloqué par les affrontements ou les pillages, est lui aussi gravement perturbé. Dans certains cas, les centres de santé ont été détruits ou vidés de leur personnel médical contraint de fuir pour survivre.
Un infirmier du territoire de Kalehe, au Sud-Kivu, témoigne :
« Il y a eu des pillages au niveau de notre centre de santé. Les médicaments et tous les biens matériels ont été emportés. Aujourd’hui, nous peinons à traiter des pathologies courantes comme le paludisme, les infections respiratoires et les diarrhées dont la prise en charge est rendue difficile par le manque de médicaments. »
Les chiffres publiés par le CICR donnent un aperçu dramatique de la situation. Le nombre de nouveau-nés mort-nés a quadruplé dans certaines structures du Nord-Kivu, traduisant l’impossibilité pour de nombreuses mères d’accéder aux soins prénataux ou postnataux. En matière de vaccination, le recul est tout aussi inquiétant : entre le premier trimestre 2023 et celui de 2025, le nombre d’enfants vaccinés est passé de 67 000 à seulement 29 000.
« Cette situation fait craindre le pire aussi en matière de couverture vaccinale pour les nouveaux-nés, ainsi que les mères et les enfants dans une région où il y a beaucoup de maladies endémiques et épidémiques », alerte Etienne Penlap, coordinateur santé pour le CICR en RDC.
Une demande sanitaire en explosion
Le besoin en soins explose dans les provinces affectées. Au premier trimestre 2025, les hôpitaux soutenus par le CICR ont accueilli 2 351 blessés par arme, soit une augmentation de 172 % par rapport à la même période en 2024. Des chiffres qui traduisent l’intensité des combats, mais aussi l’incapacité croissante des structures locales à y répondre.
Logistique humanitaire paralysée
À cette crise sanitaire s’ajoutent des contraintes logistiques majeures. La fermeture de l’aéroport international de Goma et de celui de Kavumu, à Bukavu, a considérablement ralenti le transfert des médicaments depuis Kinshasa. Les détours par d’autres pays, comme l’Ouganda ou le Rwanda, entraînent non seulement des retards, mais aussi des coûts supplémentaires qui compliquent encore davantage la tâche des humanitaires.
Une urgence silencieuse
Face à cette crise qui prend des proportions dramatiques, le CICR tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. La baisse drastique des financements humanitaires, conjuguée à la persistance des violences, expose des millions de vies à un risque sanitaire extrême dans une région déjà lourdement éprouvée par la guerre et la misère.
L’organisation appelle à une mobilisation accrue des bailleurs de fonds et des partenaires humanitaires pour éviter que le système de santé ne s’effondre totalement dans l’Est de la RDC, transformant une crise humanitaire en catastrophe irréversible.
LA REDACTION