Le Centre Hospitalier Monkole, l’une des structures sanitaires privées les plus sollicitées de Kinshasa, a annoncé ce lundi 9 juin 2025 la suspension temporaire de ses services de maternité et de néonatologie, jusque-là assurés gratuitement dans le cadre du programme de Couverture Santé Universelle (CSU). L’établissement pointe du doigt un non-paiement prolongé de fonds dus par son partenaire public, le Fonds de Solidarité de Santé (FSS).
« En raison d’un retard persistant dans le remboursement des frais de prise en charge, nous sommes contraints de suspendre temporairement nos services de maternité à partir du 7 juin 2025 », peut-on lire dans la note adressée à ses partenaires et largement relayée sur les réseaux sociaux.
Mais la réaction du FSS ne s’est pas fait attendre. Dans une correspondance officielle adressée à la direction de l’hôpital, l’institution publique condamne une communication unilatérale et déplore l’absence de concertation.
« Nous nous étonnons que notre partenaire choisisse d’informer le public le même jour que celui de la mise en demeure, sans attendre notre réaction », écrit sèchement le FSS, qui affirme avoir été pris de court par une annonce jugée précipitée.
Des chiffres en débat
Au cœur du désaccord : une somme de 521.620,81 dollars américains, que Monkole affirme être la dette accumulée par le FSS sur plusieurs mois de prestations non remboursées. En réponse, le FSS reconnaît avoir versé 156.585,02 dollars pour la période allant de janvier à mai 2025, soit une moyenne mensuelle de plus de 31.000 dollars, et s’interroge sur l’ampleur du solde revendiqué.
Plus grave encore, le FSS accuse l’établissement hospitalier d’avoir perçu indûment un montant de 133.964,85 dollars, indiquant qu’une opération de vérification et de régularisation serait imminente sur site.
« Ce montant excédentaire ne peut rester sans suite. Nous allons procéder à une régularisation complète des comptes, conformément aux procédures établies », souligne la lettre du FSS.
Au-delà de la question financière, c’est la gouvernance du partenariat entre les deux institutions qui est en jeu. Le FSS rappelle que l’article 15 de la convention signée avec Monkole impose des procédures strictes en cas de suspension de service, notamment l’obligation d’un préavis formel.
« Si Monkole décide de maintenir sa position, elle devra suivre les dispositions prévues par la convention qui lie les deux parties », prévient le Fonds de Solidarité de Santé.
Pendant que les échanges se durcissent au sommet, ce sont des centaines de femmes enceintes et de nouveau-nés qui se retrouvent, du jour au lendemain, sans accès aux soins gratuits dans une zone où l’hôpital Monkole jouait un rôle de premier plan dans la prise en charge obstétrique et néonatale.
« C’est incompréhensible. Je devais accoucher ici cette semaine. On m’a demandé d’aller ailleurs ou de payer », témoigne Grâce M., une patiente.
La Couverture Santé Universelle, programme phare du gouvernement congolais, semble donc aujourd’hui rattrapée par les limites structurelles et contractuelles de ses partenariats, notamment avec les structures privées. La suspension, même temporaire, d’un service aussi essentiel que la maternité à Monkole met en évidence la fragilité des accords publics-privés dans un système de santé encore en consolidation.
Le gouvernement n’a pas encore réagi officiellement, mais dans les milieux de la santé, on craint que ce précédent ne fasse effet domino sur d’autres hôpitaux partenaires confrontés aux mêmes difficultés de financement.