Le Sénat lève l’immunité de Joseph Kabila, la justice militaire désormais autorisée à poursuivre l’ex-président
« Aucun Congolais n’est au-dessus des lois » Sénateur Jules Lodi
Le Sénat de la République démocratique du Congo a approuvé jeudi 22 mai, à une écrasante majorité, la levée de l’immunité parlementaire de l’ancien président Joseph Kabila, désormais exposé à des poursuites judiciaires sans précédent.
Le vote a été sans appel : 88 voix pour, 5 contre et 3 abstentions. Une décision qui ouvre officiellement la voie à la justice militaire pour engager des poursuites contre le sénateur à vie, accusé de faits gravissimes, allant de la trahison à la participation à un mouvement insurrectionnel, en passant par des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Un tournant dans l’affaire AFC/M23
À l’origine de cette décision : une demande émanant du procureur général des FARDC, appuyée par le ministère de la Justice. Joseph Kabila est soupçonné de « participation directe » au mouvement rebelle AFC/M23, actif dans l’est du pays, une région en proie à des violences récurrentes.
L’accusation, formulée dans un contexte de tension croissante dans le Kivu, a fait l’effet d’une bombe dans les cercles politiques. C’est la première fois qu’un ancien chef d’État congolais pourrait répondre devant la justice militaire pour de telles charges.
Réactions contrastées au sein de la classe politique
Du côté de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), les réactions oscillent entre prudence et satisfaction. Le sénateur Jules Lodi a tenu à rappeler que « l’ancien président n’est pas condamné et qu’il bénéficie toujours de la présomption d’innocence ». Il insiste cependant : « Aucun Congolais n’est au-dessus des lois ».
À l’inverse, Jean Tshisekedi, autre voix influente du parti présidentiel, salue une « mesure historique ». « Les faits reprochés à Joseph Kabila sont très dangereux pour notre nation. Ils touchent au cœur tout Congolais. Nous sommes là pour prêcher l’exemple », a-t-il affirmé.
Kabila dénonce une “manœuvre politique”
La réponse de l’ancien président ne s’est pas fait attendre. Dans une publication sur le réseau X, Joseph Kabila dénonce une décision « orchestrée dans la précipitation », qu’il qualifie de « manœuvre politique désespérée dans un contexte de panique généralisée au sommet de l’État ».
Son parti, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), rejette vigoureusement la légitimité du vote sénatorial. Son porte-parole, Ferdinand Kambere, soutient que « Joseph Kabila bénéficie d’un régime pénal spécial en tant qu’ancien chef de l’État », et que seule une réunion du Congrès serait compétente pour trancher une telle question. Il évoque une « chasse aux sorcières » politique visant à discréditer l’ancien président.
Et maintenant ?
La suite dépendra de la rapidité avec laquelle la justice militaire enclenchera la procédure. Une chose est certaine : la RDC entre dans une phase inédite de son histoire politique, où même les plus hauts symboles du pouvoir ne semblent plus à l’abri de la justice.
Dans un pays encore marqué par des décennies de conflits et d’impunité, cette décision du Sénat pourrait bien devenir un précédent historique à la fois redouté et attendu.
la redaction