L’Assemblée nationale a officiellement enclenché, ce mercredi 21mai, une procédure inédite visant à examiner la demande de levée de l’immunité parlementaire de Constant Mutamba, ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux. La décision a été prise à la suite de la lecture du réquisitoire du procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, sollicitant l’autorisation d’ouvrir une information judiciaire contre l’élu de Lubao.
En réponse à cette requête, le président de la chambre basse, Vital Kamerhe, a annoncé la création d’une commission spéciale chargée d’auditionner les deux parties : d’abord le ministre Mutamba, ensuite le procureur Mvonde.
« Nous allons demander aux différents présidents des groupes parlementaires de désigner par écrit, aujourd’hui même, un membre qui siégera dans cette commission », a déclaré Kamerhe depuis le perchoir, insistant sur le respect strict du règlement intérieur.
Une affaire aux ramifications complexes
Au cœur de cette procédure judiciaire : un soupçon de détournement de 39 millions de dollars américains alloués à la construction d’une prison moderne à Kisangani, dans la province de la Tshopo. D’après le réquisitoire du procureur, 19 millions de ces fonds proviendraient du FRIVAO (Fonds de Réparation des Victimes des Activités Illicites de l’Ouganda en RDC) et auraient été transférés à Zion Construction SARL, société adjudicataire du marché.
Problème : cette entreprise n’aurait vu le jour qu’en mars 2024, soit quelques semaines avant la signature du contrat. Pire encore, aucune procédure d’appel d’offres en bonne et due forme n’aurait été respectée, selon plusieurs sources parlementaires.
Cette opacité a rapidement alerté certains élus. Les députés Fontaine Mangala et Willy Mishiki avaient, bien avant la saisie du parquet, interpellé Constant Mutamba à travers des questions orales avec débat. Mishiki est même allé jusqu’à évoquer un « détournement en réseau », qui impliquerait également les ministres du Budget et des Finances.
Des révélations préoccupantes
Dans une correspondance officielle adressée à la Première ministre Judith Suminwa, la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) a confirmé qu’un transfert de 19 millions USD avait bien été effectué au profit de Zion Construction SARL. Une révélation qui vient accréditer la thèse d’un usage potentiellement irrégulier des fonds publics.
Face à cette pression croissante, le ministre des Finances a tenté de désamorcer la polémique en affirmant qu’« aucun paiement effectif n’a encore été réalisé dans le cadre de ce projet ». Une version que rejette en bloc le procureur Mvonde.
Mutamba contre-attaque
Constant Mutamba, pour sa part, rejette toutes les accusations portées contre lui. Il affirme que le projet de construction est légal, prioritaire, et justifié par la surpopulation carcérale chronique, en particulier dans les provinces de l’Est secouées par l’insécurité.
« Les fonds sont encore logés dans un compte séquestre et donc inaccessibles à l’entreprise adjudicataire. Le dossier reste en traitement à la Primature », a-t-il déclaré lors d’un échange informel avec des journalistes dans les couloirs de l’Assemblée.
Une étape décisive
La commission spéciale aura désormais la tâche cruciale d’entendre les versions des deux parties avant de soumettre un rapport détaillé à la plénière, seule habilitée à se prononcer sur la levée ou non de l’immunité du ministre Mutamba.
Il s’agit d’une procédure inédite sous cette législature, qui pourrait soit marquer un tournant dans la lutte contre l’impunité des hauts responsables, soit mettre en lumière les limites politiques de l’Assemblée nationale face à un scandale d’État naissant.
La rédaction | LesVolcansNews.net