Université de Goma : Le Professeur Muhindo Mughanda dresse un bilan sans complaisance de l’enseignement universitaire congolais

Quatre ans à la tête de l’UNIGOM : “Ma colère, c’est celle d’un enseignant conscient”,prof Muhindo Mughanda

Quatre ans après avoir pris les rênes de l’Université de Goma (UNIGOM), le professeur Muhindo Mughanda a pris la parole pour dresser un bilan sans complaisance de la situation de l’enseignement supérieur en République Démocratique du Congo. Dans un entretien avec lesvolcansnews.net à la fois lucide et passionné, le recteur a mis en lumière les paradoxes qui freinent le développement du système universitaire congolais.

Selon lui, les étudiants apprennent l’informatique sans ordinateurs, la médecine sans laboratoires, les sciences sans expérimentations concrètes.

« Il y a des zones où on enseigne l’informatique de manière purement théorique, à des jeunes qui n’ont jamais allumé un ordinateur », s’est-il indigné.

Il a également déploré le fait que des médecins en formation n’aient même pas de lieux pour pratiquer, devant parfois errer dans la ville pour espérer un espace d’exercice.

« Pendant ce temps, on leur fait payer des frais techniques, des frais bancaires… Mais où vont ces moyens ? »

Une double colère : manque de moyens et absence de transformation sociale

Le recteur parle d’une “colère juste”, celle d’un enseignant qui refuse de se résigner. Cette colère s’exprime à deux niveaux : d’une part, le manque de moyens techniques pour permettre aux étudiants d’allier la théorie à la pratique ; d’autre part, le déficit de transformation sociale malgré la masse d’intellectuels dans le pays.

« Nous sommes dans un pays plein d’intellectuels… mais qui se transforme difficilement. Pourquoi ? Parce qu’on passe notre temps dans la théorie. »

Selon lui, ce manque de transformation s’explique aussi par l’absence de propositions concrètes de la part des chercheurs et enseignants.

« Souvent, quand les autorités nous demandent : ‘Quel est votre plan ?’, nous n’en avons pas. Et quand nous avons des idées, la recherche est mal faite, faute d’instruments. »

Des solutions ancrées dans la base et la transparence

Le professeur Mughanda salue toutefois les progrès réalisés à l’UNIGOM, grâce à la collaboration entre la direction, les doyens, les enseignants et les étudiants. Il cite notamment la mise en place du laboratoire d’anatomie pathologique, né de demandes concrètes exprimées par les facultés elles-mêmes : « Ce sont les doyens, les médecins et les enseignants qui nous ont amené les listes de matériel. »

Cette confiance mutuelle, renforcée par une gestion transparente, a permis d’instaurer un climat de paix au sein de l’université, favorable à la réflexion, à l’innovation et à l’action.

« S’il y avait des révoltes étudiantes ou des tensions internes, nous n’aurions jamais pu penser au développement des laboratoires. »

Une invitation à partager la colère pour mieux avancer

Le recteur conclut son intervention en appelant la communauté universitaire et nationale à partager cette colère constructive, condition indispensable à tout changement durable :

« Rien ne se fait sans passion. Sans cette colère-là, nous ne saurons pas avancer. Il est temps d’être indignés par tout ce qui freine notre évolution. »

La Rédaction