RDC : Le Sénat entame l’examen de la levée d’immunité de Joseph Kabila

Pour la première fois, le Sénat a officiellement lancé jeudi 15 mai l’examen d’une demande de levée d’immunité sénatoriale visant un ancien président de la République, en l’occurrence Joseph Kabila. Exilé à l’étranger, l’ex-chef de l’État est accusé de complicité avec la rébellion armée AFC/M23.

À la clé : des accusations extrêmement graves crimes de guerre, crimes contre l’humanité, et massacres de civils.

Un dossier explosif examiné au Palais du Peuple

C’est dans une atmosphère lourde, au Palais du Peuple à Kinshasa, que les sénateurs se sont réunis ce matin. Avant même de pouvoir entrer dans le vif du sujet, plusieurs points à l’ordre du jour ont été traités, illustrant la prudence avec laquelle ce dossier brûlant est abordé.

Le point de départ de la procédure est un réquisitoire envoyé par l’auditeur général des Forces armées congolaises (FARDC), détaillant les charges qui pèsent contre Joseph Kabila. Ces documents doivent être lus et analysés, avant que ne s’ouvre un possible débat parlementaire.

Des accusations portées au plus haut niveau de l’État

Les derniers jours ont vu une intensification des prises de parole au sein de l’exécutif congolais. Jacquemain Shabani, vice-premier ministre chargé de l’Intérieur, et Constant Mutamba, ministre de la Justice, ont ouvertement accusé Kabila d’être un acteur central du conflit qui déchire l’Est du pays.

Félix Tshisekedi, actuel président de la République, a lui aussi pris position en désignant nommément son prédécesseur comme étant le parrain de la rébellion AFC/M23. Le mouvement armé, toujours actif, contrôle plusieurs localités du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

Le ministre Mutamba, en particulier, s’est montré inflexible : il promet des poursuites judiciaires et l’ouverture prochaine de procès. Il a par ailleurs annoncé que des mesures de saisie viseront tous les avoirs connus de l’ancien président.

Une procédure parlementaire inédite et incertaine

Pour l’heure, plusieurs inconnues entourent le déroulement de la procédure. La séance pourrait se poursuivre à huis clos, et une commission technique pourrait être mise en place pour examiner plus en profondeur les pièces du dossier.

Cette commission serait théoriquement chargée d’auditionner Joseph Kabila. Problème : ce dernier n’est pas sur le territoire congolais. Son absence risque de ralentir, voire de compliquer le travail parlementaire.

La décision finale sur la levée de l’immunité sénatoriale sera prise en plénière, mais le processus ne s’arrête pas là. En effet, Kabila bénéficie d’un double statut : celui de sénateur à vie et d’ancien président. Une simple décision du Sénat ne suffira donc pas.

Un passage obligé par le Congrès

Pour que l’immunité liée à ses fonctions passées de chef d’État soit levée, une réunion du Congrès – c’est-à-dire l’Assemblée nationale et le Sénat réunis – devra être convoquée. Ce mécanisme est prévu par la Constitution, et il complique un peu plus encore la situation.

« On ne peut pas dissocier les deux statuts », confie un spécialiste du droit constitutionnel. En d’autres termes, même une approbation du Sénat ne mettrait pas un terme à la procédure. Il faudra attendre le feu vert du Congrès, dans une ambiance politique déjà sous haute tension.

Une procédure longue, un enjeu historique

Cette demande de levée d’immunité vise bien plus qu’un homme. Elle marque un tournant pour la justice congolaise et pose un précédent juridique et politique lourd de conséquences. Quelle que soit son issue, elle fera date dans l’histoire du pays.

La RDC entre dans une zone d’incertitude politique et institutionnelle. Et à Kinshasa, comme ailleurs dans le pays, une question hante désormais les esprits : le Sénat osera-t-il franchir le pas ?

la rédaction