Analyse – par Paul Zaïdi
Ce n’est pas un épilogue. Loin d’être la fin d’un conflit de plus de trois décennies, la rencontre de Doha semble plutôt marquer un nouveau virage. Un virage où la manipulation géostratégique des ressources naturelles congolaises se dissimule derrière des discours diplomatiques de paix et des engagements politiques aseptisés.
Le mercredi 23 avril, après des discussions qualifiées d’« harmonieuses », les parties impliquées dans l’instabilité sécuritaire à l’Est de la RDC – en particulier le régime de Kinshasa et les représentants de l’AFC/M23, adoubés par Kigali – ont publié une déclaration conjointe. Celle-ci réaffirme un engagement commun en faveur d’une cessation immédiate des hostilités, avec pour objectif de relancer le processus de pacification dans la région des Grands Lacs.
“Après des discussions franches et constructives, les représentants de la République démocratique du Congo et de l’AFC/M23 ont convenu de travailler à la conclusion d’une trêve”, stipule le communiqué.
Un vieux refrain aux tonalités géoéconomiques
Mais au-delà des mots, les faits persistent. L’Est de la RDC, riche en minerais stratégiques et frontalier du Rwanda, est le théâtre de conflits récurrents depuis plus de 25 ans. La dernière montée en puissance du M23, qui contrôle désormais plusieurs agglomérations, notamment Goma et Bukavu, remet au goût du jour l’hypothèse d’un conflit motivé par le pillage organisé des ressources.
De Lemera à Doha : la répétition historique
Les accords de Doha rappellent les accords de Lemera de 1996, signés par l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila. Ces accords ont favorisé une avancée de 300 kilomètres des forces rebelles dans le territoire congolais au nom de la “sécurisation des frontières” pour le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi – en réalité, un blanc-seing au pillage systématique des richesses nationales.
Autre rappel : l’accord de Sun City, signé le 19 avril 2002 à l’issue du dialogue intercongolais, n’avait rien prévu pour l’unification des forces armées, laissant le pays désarmé face à la persistance de milices et d’armées étrangères sur son sol.
Un pays sous tutelle militaire étrangère ?
Aujourd’hui, la RDC figure parmi les rares États africains à faire un usage aussi massif de forces armées étrangères pour stabiliser son propre territoire. Une dépendance militaire qui traduit une fragilité institutionnelle aiguë, amplifiée par des divisions internes au sein de l’armée et des luttes de pouvoir en coulisses.
Et Doha dans tout ça ?
À Doha, les discussions masquent mal les enjeux d’une guerre économique. Sous couvert d’un accord de paix, on assiste à une nouvelle mise en scène diplomatique, dont le vrai scénario se joue autour du contrôle des minerais et de la redéfinition des zones d’influence dans les Grands Lacs.
Ce que certains voient comme une lueur d’espoir pourrait bien être, une fois de plus, un écran de fumée :
Une “relance historique” des pourparlers, mais au service d’une reconfiguration silencieuse des rapports de force entre États et multinationales dans la région.