RDC : Les ADF imposent un régime de terreur économique aux populations de Lubero et de l’Ituri


Une enquête de Voice of Congo, relayée ce 10 avril 2025, révèle une nouvelle facette inquiétante de la stratégie des rebelles des Forces Démocratiques Alliées (ADF) dans l’Est de la République Démocratique du Congo. Présents dans les territoires de Lubero au Nord-Kivu, et ceux de Mambasa et Irumu en Ituri, ces terroristes multiplient les tactiques de contrôle sur les civils, entre exploitation minière forcée et taxation abusive des agriculteurs.

Lubero : Une cohabitation forcée et une économie de guerre

Dans le secteur de Bapere, territoire de Lubero, les ADF semblent avoir modifié leur modus operandi. Loin des attaques éclaires et massacres systématiques, ils adoptent une posture d’occupation plus insidieuse. Selon l’administrateur militaire du territoire, le colonel Mapela Kiwewa Mitela Alain, les ADF tiennent désormais des assemblées populaires où ils promettent de ne plus commettre d’exactions.

« Ils demandent à la population de ne pas fuir, assurent qu’ils ne vont plus égorger et encouragent les habitants à creuser des minerais à leur profit », déclare-t-il.

Ces groupes djihadistes fixent également leur propre prix d’achat de l’or. Une source locale, ayant requis l’anonymat, affirme qu’« un gramme d’or se négocie actuellement à 45 dollars américains dans cette région », signe que les ADF cherchent à établir une économie parallèle sous leur autorité.

Cette mainmise sur les ressources naturelles locales place les populations dans une situation de dépendance extrême. Les habitants, pris en otage entre pauvreté et peur, sont contraints de travailler pour ceux qu’on qualifie désormais d’occupants silencieux.

Ituri : Le « dossier jeton », une nouvelle forme de racket

À Mambasa et Irumu, en province de l’Ituri, les ADF imposent aux agriculteurs une nouvelle taxe surnommée le jeton. Pour cultiver leurs propres terres, les paysans doivent désormais payer 10 dollars américains, en plus de se faire photographier pour obtenir une sorte de carte d’identification imposée par les rebelles.

Christophe Munyanderu, coordinateur de la Convention pour le Respect des Droits Humains (CRDH), tire la sonnette d’alarme :

« Ces jetons sont accompagnés d’une prise de photo des agriculteurs, créant une atmosphère de terreur. Que se passera-t-il si un jour ces populations n’ont plus les moyens de payer ? »

Cette situation pousse de nombreux cultivateurs à fuir, laissant derrière eux leurs moyens de subsistance. Le phénomène alimente ainsi l’instabilité alimentaire et économique dans une région déjà meurtrie.



Face à cette occupation déguisée, les autorités militaires locales appellent à la résistance. Le colonel Mapela exhorte la population à ne pas céder :

« La population ne doit pas cohabiter avec ces ennemis de la paix. Elle doit dénoncer leur présence et faire preuve de vigilance. »

Il en appelle également à un renforcement des opérations militaires conjointes FARDC-UPDF (opération Shujaa), pour éradiquer ces foyers d’insécurité. Toutefois, les résultats sur le terrain restent mitigés. La présence persistante des ADF et leur capacité d’adaptation inquiètent les acteurs de la société civile.

La CRDC de Mambasa alerte notamment sur des meetings récents tenus par les rebelles dans les localités de Kadika et Ndioka, confirmant leur volonté de structurer leur emprise territoriale.

Une menace qui se transforme

Créées en 1995 par des opposants au régime ougandais de Yoweri Museveni, les ADF, désormais affiliées à l’État Islamique, sont devenues l’un des groupes armés les plus redoutés de la région. En plus de leurs attaques sanglantes contre civils et militaires, leur infiltration dans les tissus économique et social représente une nouvelle forme de menace.

Loin d’être un simple groupe de tueurs, les ADF se comportent aujourd’hui comme un pouvoir parallèle, capable de collecter des taxes, exploiter les ressources naturelles, et surveiller les populations.

si cette stratégie d’implantation se généralise, c’est tout l’Est de la RDC qui risque de tomber sous un contrôle insidieux mais destructeur.

La rédaction