Le 24 mars 2025, une nouvelle proposition de loi, baptisée Cobalt Restriction Act (H.R. 6909), a été déposée à la Chambre des représentants des États-Unis par le républicain Christopher Henry Smith. Ce texte législatif vise à interdire l’importation de cobalt raffiné en Chine vers le marché américain, à moins que des preuves irréfutables ne démontrent son origine en dehors de la République Démocratique du Congo (RDC).
Cette initiative repose sur l’hypothèse selon laquelle une grande partie du cobalt extrait dans le pays africain est associée au travail des enfants et au travail forcé dans les mines congolaises, un problème dénoncé dans plusieurs rapports sur les conditions de travail précaires dans ces exploitations.
Une mesure qui fait polémique
La proposition de loi s’appuie sur des rapports dénonçant de graves violations des droits humains dans les mines de cobalt en RDC.
« Nous devons mettre fin à la pratique du travail des enfants et à l’exploitation des travailleurs dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Le cobalt congolais, s’il est traité en Chine, ne doit pas entrer sur notre marché », a déclaré Christopher Smith lors de la présentation de sa loi.
Cependant, l’interdiction prévue dans le texte va au-delà des préoccupations éthiques : elle vise spécifiquement les produits contenant du cobalt raffiné en Chine, avec des exceptions seulement en cas de preuve formelle de leur provenance en dehors de la RDC.
Ce projet de loi n’est pas une première attaque contre le cobalt congolais. En septembre 2024, le Département du Travail des États-Unis avait déjà ajouté la RDC à sa liste des pays impliqués dans le travail des enfants dans le secteur minier. Cette nouvelle offensive législative, cependant, s’inscrit dans un contexte bien plus complexe, marqué par des tensions géopolitiques croissantes entre les États-Unis et la Chine, qui dominent respectivement la demande et le raffinage du cobalt, un métal stratégique pour les batteries de véhicules électriques et d’autres technologies avancées.
Une bataille géopolitique pour le contrôle des ressources
Le cobalt est devenu un métal crucial dans la transition énergétique mondiale, et la Chine contrôle aujourd’hui plus de 80 % de l’offre mondiale de cobalt raffiné. Cette situation place la République Démocratique du Congo, qui possède les plus grandes réserves de cobalt au monde, au cœur d’une rivalité géopolitique et industrielle de plus en plus intense. Les États-Unis, dans leur quête de réduire leur dépendance à l’égard de Pékin pour des métaux essentiels à leur développement technologique, cherchent à forcer la RDC à améliorer la traçabilité de ses ressources naturelles.
Cette proposition de loi a des implications considérables pour la RDC, dont l’économie dépend largement des exportations de minerais, en particulier de cobalt. Selon des experts du secteur, l’initiative pourrait exercer une pression supplémentaire sur le pays pour qu’il mette en place des normes plus strictes en matière d’extraction et de conditions de travail dans ses mines. Si cette loi est adoptée, les entreprises minières congolaises devront prouver que leur cobalt est extrait dans des conditions légales et éthiques, sous peine de se voir exclues du marché américain.
« Ce texte met en place des exigences supplémentaires pour la traçabilité des minerais, ce qui pourrait constituer un obstacle pour les entreprises congolaises », a déclaré un analyste spécialisé dans les questions minières.
Des conséquences pour les relations sino-congolaises
L’impact de cette législation pourrait aussi se faire sentir sur les relations entre la RDC et la Chine. Pékin étant le principal raffineur du cobalt congolais, un durcissement des règles américaines pourrait inciter la Chine à renforcer sa position en RDC, voire à réorienter sa production vers d’autres marchés, notamment en Europe et en Asie. Ce phénomène pourrait alors modifier les équilibres économiques et géopolitiques en Afrique centrale, où la Chine est un acteur majeur.
Dans ce contexte, la proposition de loi soulève des interrogations, notamment sur les répercussions pour la stabilité économique de la RDC. Un entrepreneur du secteur minier congolais, qui a préféré garder l’anonymat, a exprimé des réserves quant à la pertinence de cette législation : « Une telle loi ne profite pas à la République Démocratique du Congo. Le pays traverse déjà une période difficile, marquée par des tensions avec le Rwanda et des incertitudes économiques. La meilleure réponse serait de concentrer nos efforts pour faire face à l’agression rwandaise plutôt que de laisser l’Occident dicter nos politiques minières. »
Un enjeu complexe et multi-dimensionnel
En définitive, le Cobalt Restriction Act est plus qu’une simple législation sur les droits humains. En réalité, il s’agit d’une arme géoéconomique dans la guerre d’influence entre les États-Unis et la Chine pour le contrôle des ressources stratégiques africaines. Alors que Washington continue de pressurer la RDC pour qu’elle adopte des normes plus strictes en matière de droits humains et d’exploitation minière, les enjeux dépassent largement les préoccupations éthiques : la RDC pourrait se retrouver prise entre deux puissances mondiales en compétition pour ses ressources naturelles.
Si cette loi était adoptée, elle représenterait une nouvelle étape dans la confrontation économique entre les États-Unis et la Chine, avec des répercussions majeures sur l’avenir des relations sino-congolaises et sur la dynamique de l’exploitation des ressources en Afrique. Le chemin qui reste à parcourir est semé d’embûches, mais il pourrait redéfinir les rapports de force dans la région pour les années à venir.
Rédaction