Kasindi : Les cotisations pour le développement servent à quoi ? « Seul Dieu sait » (Reportage)




L’état de la plupart des avenues et rues dans l’agglomération de Kasindi-Lubiriha se dégrade de plus en plus, surtout après la tombée des pluies. Mais en dépit de cette situation qui ternit l’image de cette entité localisée à la frontière entre la RDC et l’Ouganda, les autorités de base et les partenaires traditionnels du gouvernement congolais tardent à réagir.



« L’heure est venue pour l’ACCAD et la FEC de mettre en place une bonne gestion des cotisations qu’elles reçoivent à partir des opérations d’import-export à la douane de Kasindi. En 2023, nous avons vu l’ACCAD appuyer les travaux de traçage des avenues dans les quartiers Congo ya Sika et Mapathi. Voilà une bonne chose, mais cela ne suffit pas face aux problèmes de développement que connaît Kasindi-Lubiriha« , a indiqué Madame Masika Thérèse, habitante du quartier Majengo.

Plusieurs tronçons d’importance vitale sont devenus impraticables et malheureusement, les travaux communautaires, communément appelés « Salongo », ne sont pas entrepris normalement ces jours-ci depuis que la Police nationale congolaise (PNC), commissariat de Kasindi, a cessé avec le système du forcing. Tel est le cas de l’avenue qui va du marché central de Lubiriha à l’Institut Kasindi, passant par l’école adventiste Pandoundou.

Cette bretelle va aussi jusqu’à la barrière Foner de Kasindi. Elle sert surtout de voie d’évacuation des produits agricoles des villages surplombant le groupement Basongora, tels que Kizumbura, Luseke, Ngingi et Lwandumbi.

En dépit des critiques négatives persistantes dans les médias et sur les réseaux sociaux concernant la gestion des cotisations provenant des opérateurs économiques et des déclarants en douanes, censées servir au développement, les responsables de la Fédération des Entreprises du Congo (FEC) et de l’Association Congolaise des Commissionnaires Agréés en Douane (ACCAD) restent peu bavards et manifestent un dégoût d’en discuter avec ceux qui ne participent pas financièrement à cette initiative, lancée à l’époque du gouverneur Julien Paluku Kahongya.

Depuis plusieurs mois, des trous béants sont apparus à plusieurs endroits. Près de l’hôtel Wikongo 2, au quartier Muvingi, à proximité de l’église adventiste du 7e jour, un grand bourbier s’est formé. Lorsqu’il pleut, ce bourbier se transforme en un lac que les habitants du coin ont nommé ironiquement « lac Mambura ».

Un peu plus loin, avant d’atteindre le parking public appelé « Soko ya Ndizi », même avec une pluie modérée, la route nationale numéro 4 (RN4) se transforme en rivière, du pont Kifereji jusqu’à la salle du royaume des Témoins de Jéhovah.

On se demande alors pourquoi les autorités du pays ne procèdent pas à la rétrocession de 40% des recettes mobilisées au secteur Ruwenzori afin de mettre en place un système rationnel pour pallier ce genre de problème. Comment sont affectées les cotisations allouées pour le développement de ce coin économiquement sensible du Nord-Kivu ? Et pourquoi les services étatiques des infrastructures routières demeurent dans une léthargie alors que le poste frontalier de Kasindi est classé en troisième position au niveau national pour la maximisation des recettes dues au Trésor public ?

Jusqu’à preuve du contraire, ces questions sont loin d’avoir une réponse significative, d’autant plus qu’il y a lieu de stigmatiser le système mis en place pour l’entretien des routes à Kasindi-Lubiriha et les potentialités de lobbying menées par les tenants du pouvoir public et les acteurs de la société civile.

« On constate tout de même que la route menant vers le centre de santé de référence de Lubiriha, vulgairement appelé ‘Hôpital général’, ainsi que la route allant de Kasindi au centre de santé Kangahuka, sont gravement affectées par d’énormes trous qui empêchent une circulation fluide des véhicules transportant des malades vers ces structures sanitaires », s’est indigné M. Maloba Musaka, habitant du quartier Mwangaza.

La Fédération des Entreprises du Congo (FEC), le Centre de Négoce de Kasindi, l’Action pour le Développement Rural (ADR) et l’Association Congolaise des Commissionnaires Agréés en Douane (ACCAD) avaient lancé, il y a trois ans, une opération d’entretien des rues et avenues en terre battue, allant de la mosquée de Lubiriha jusqu’à Kamirongo, à l’aide d’un engin « Caterpillar CAT ». Ces travaux étaient financés, selon ces structures syndicales, par l’argent résultant des cotisations de leurs membres soucieux du développement intégral.

Quelques jours après, soit deux semaines après le début des travaux, des dettes pour le carburant auprès du fournisseur de produits pétroliers et des tractations entre certains leaders communautaires ont interrompu cette initiative, qui n’a donné aucun résultat jusqu’à ce jour.

Peu après, le pont construit par ce consortium au niveau de l’entrée de l’église des Rachetés s’est effondré un mois après sa construction. Des sources concordantes révèlent qu’un budget d’environ 3 000 $ avait été alloué aux travaux de la construction de ce pont, qui était en béton faiblement armé. Ce pont a été reconstruit pendant la période de la campagne électorale par le candidat malheureux Toussaint, qui était à la députation nationale dans la circonscription électorale du territoire de Beni.

De l’autre côté, l’entreprise indienne Dott Service Limited tarde à reprendre les travaux de modernisation de la RN 4 de Kasindi jusqu’à Butembo, en passant par la ville cosmopolite de Beni. À Kasindi-Lubiriha, avec la multiplication de milliers de nids de poule, des embouteillages massifs sont enregistrés quotidiennement.

Des voix s’élèvent de partout pour plaider aussi en faveur de la construction du grand canal collecteur des eaux de ruissellement, appelé « Kifereji », qui va du quartier Kamirongo, Mwangaza, en passant par Muvingi jusqu’au quartier Congo ya Sika, afin de redonner à Kasindi-Lubiriha son visage d’antan. Cela requiert des dirigeants visionnaires et intègres à tous les niveaux, auxquels il faut allouer les moyens nécessaires pour leur faciliter la tâche.

PAUL ZAÏDI