Les conséquences de la guerre du M23 commencent à se faire sentir même dans les zones non occupées par la rébellion. C’est notamment le cas du territoire de Walikale, qui dépend des villes de Goma et Bukavu pour l’approvisionnement en produits de première nécessité. Étant donné que le trafic est coupé entre ces deux villes et le territoire de Walikale, le stock encore disponible dans la commune rurale va bientôt s’épuiser. En conséquence, la demande étant supérieure à l’offre, les vendeurs ont décidé de revoir à la hausse le prix de différents biens.
Les causes de la hausse des prix à Walikale
Les commerçants exerçant leurs petites activités à Walikale, au Nord-Kivu, s’approvisionnent principalement à Goma, chef-lieu de la province, à Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, et à Kisangani, chef-lieu de la Tshopo. Cependant, les deux premières villes constituent les principaux points d’approvisionnement. Des produits comme le sel, les poissons salés, les poissons frais, les fretins, le lait de beauté, entre autres, proviennent de ces villes.
Les vendeurs utilisent deux voies pour transporter ces biens jusqu’à Walikale : la voie routière et aérienne. Mais depuis la prise de Goma par le M23, les aéronefs qui atterrissaient quotidiennement à l’aérodrome de Kigoma ont suspendu leurs mouvements. De même, les agences de transport par moto empruntant la route Goma-Masisi-Walikale ont cessé leurs activités.
Dès lors, les produits manufacturés se raréfient sur le terrain. Face à la baisse de l’approvisionnement, la demande a augmenté, poussant les vendeurs à revoir à la hausse les prix de plusieurs produits, ce qui inquiète les consommateurs.
Des consommateurs inquiets face à la hausse des prix
« Nous sommes dans l’embarras. La situation sécuritaire n’épargne personne. L’argent ne circule pas. Les commerçants le savent aussi, car ils vivent la même situation. Mais ce qui est étonnant, c’est qu’ils augmentent les prix de tous les produits alors que nous n’avons pas d’argent depuis que Goma est tombée sous le contrôle du M23. Un sachet de sel qui se vendait à 1500 FC, coûte désormais 2500 FC. Un gobelet de riz, qui coûtait 1500 FC, se vend maintenant à 3000 FC. Même pour le haricot, le gobelet qui coûtait 2000 FC se vend à 3000 FC. La situation devient compliquée. Ces commerçants veulent-ils nous tuer ? » s’interroge Mathilde, rencontrée au marché de Nyabangi.
Le panier de la ménagère est donc fortement impacté par cette insécurité, qui affecte négativement l’économie locale. Les agents de l’État, qui font circuler l’argent dans la cité après avoir perçu leur salaire mensuel, se lamentent également, car ils ont des difficultés à accéder à leurs salaires. Cela les empêche de prendre en charge leurs familles. Pour contourner cette situation, certains se tournent vers l’agriculture.
« Notre salaire ne peut plus nous parvenir. La Caritas, qui nous paie, est dans l’impossibilité d’atteindre Walikale. Nous sommes donc obligés de quitter l’école et de nous rendre directement au champ pour chercher de quoi manger et ainsi joindre les deux bouts du mois, car nous ne pouvons plus acheter quoi que ce soit, étant donné que le prix de tous les produits manufacturés a augmenté », explique un enseignant d’une école locale.
Des agriculteurs locaux également affectés
Cette situation affecte aussi les agriculteurs locaux. Bien que leurs produits n’aient pas vu leurs prix augmenter, leur quantité a diminué. Par exemple, un tas de bananes coûte toujours 2000 FC, mais la quantité a diminué de six à quatre bananes. Pour pouvoir acheter un sachet de sel, ils doivent vendre au moins deux tas. Ils appellent les vendeurs à faire preuve de conscience.
« Nous souffrons énormément. Avant de nous rendre au marché, nous devons nous poser mille et une questions. Ce que nous gagnons en vendant nos produits agricoles ne couvre même pas nos besoins. On dirait que nos produits locaux n’ont plus de valeur. Que les vendeurs de produits manufacturés fassent preuve de conscience », relate l’un des vendeurs.
Les commerçants se justifient face à la hausse des prix
Cet appel à la conscience semble ne pas être partagé par les vendeurs de produits manufacturés. Selon eux, la hausse des prix est due à la prise de Goma par le M23, exacerbée par la chute de Bukavu au début du week-end dernier. Ils expliquent qu’il est difficile de revoir les prix à la baisse, car leurs stocks risquent de s’épuiser prochainement.
« Il ne nous reste qu’une seule voie pour nous approvisionner, c’est l’axe Kisangani, car Goma et Bukavu ne sont pas accessibles actuellement. Malheureusement, la route de Kisangani est aussi dans un état de délabrement avancé. Nos stocks vont bientôt s’épuiser. Nous devons donc profiter de ce petit moment pour augmenter nos revenus. Nous ne pouvons pas revoir à la baisse nos prix, car nous devons aussi réaliser des profits malgré les circonstances », explique un commerçant du boulevard Bamwisho.
Les autorités interpellent les commerçants
Le service de l’économie nationale en territoire de Walikale a rappelé aux opérateurs économiques le respect des structures de prix, tout en leur rappelant qu’ils s’exposent à la rigueur de la loi s’ils augmentent les prix de leurs produits manufacturés. Il reste à voir si les commerçants vont se conformer à ces instructions.
La rédaction
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