L’exploitation de l’or en Ituri échappe au contrôle de l’État : 140 millions USD par an aux groupes armés (Experts ONU)

Posted on

L’exploitation minière en Ituri, province de l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), continue de déborder du cadre légal, échappant en grande partie au contrôle des autorités publiques.

Selon un rapport des Nations Unies publié le 27 décembre 2024, cette activité rapporte chaque année pas moins de 140 millions de dollars aux groupes armés et à des réseaux illicites.

Le rapport, issu du groupe d’experts des Nations Unies pour la RDC, révèle un fossé important entre les estimations officielles et la réalité de la production d’or dans la région. Alors que le Service d’assistance et d’encadrement minière artisanale et à petite échelle (SAEMAPE) estime que la production annuelle d’or artisanal en Ituri se chiffre à 1.800 kilogrammes, seuls 17 kilogrammes ont été produits et 24 kilogrammes achetés au premier semestre 2024, d’après les chiffres enregistrés par la Coopérative des négociants d’or de l’Ituri (COONORI).

L’écart entre les chiffres officiels et la réalité est imputé par les experts à l’accès restreint aux zones minières, la plupart étant sous le contrôle de groupes armés comme la CODECO/URDPC, le groupe Zaïre, la FRPI et le MAPI. Ces groupes armés, actifs principalement dans les territoires de Djugu, Irumu et Mahagi, exercent un contrôle total ou partiel sur les sites miniers, entravant ainsi l’accès des autorités et des acteurs économiques légaux à ces ressources.

Les autorités minières affirment que cet accès limité explique en partie l’écart entre la production estimée et celle effectivement enregistrée.

Selon le rapport des experts Onusiens, les groupes armés tels que la CODECO et la FRPI imposent leurs lois sur ces sites, facilitant ainsi le commerce illicite de l’or.

Un autre aspect alarmant de cette exploitation illégale de l’or en Ituri est l’implication directe des chefs de groupes armés dans l’extraction et le commerce de l’or.

Par exemple, Baraka, un commandant du groupe armé CODECO, aurait généré environ 1,6 million de dollars par mois grâce à des activités illégales liées à l’exploitation de l’or. Ces revenus proviennent non seulement de l’extraction illégale d’or, mais aussi de taxes et de frais illégaux imposés aux entreprises locales et aux points de contrôle.

Les experts précisent que ces sommes sont ensuite blanchies par des investissements dans des biens immobiliers et commerciaux dans des zones comme Mabanga, Iga-Barrière et Bunia, permettant à Baraka de renforcer son emprise économique et militaire sur la région.

Le rapport met également en lumière la collusion entre certains négociants d’or et les groupes armés. Les propriétaires des principales coopératives minières de l’Ituri, tous actionnaires de la COONORI, ont été contraints de payer des pots-de-vin aux chefs de groupes armés, dont Baraka et « 50 cent » de la CODECO, afin de protéger leurs activités et leurs biens. Cette relation symbiotique entre les acteurs économiques légaux et les groupes armés contribue à maintenir la situation dans un cycle d’instabilité et de violence, renforçant le contrôle des groupes armés sur les ressources naturelles de la région.

Le rapport des Nations Unies souligne ainsi l’urgence de prendre des mesures pour restaurer l’autorité de l’État en Ituri, en particulier sur les sites miniers, et mettre fin à l’exploitation illégale de l’or, qui finance non seulement les groupes armés mais aussi des réseaux criminels.

La rédaction

  • Share

0 Comments

Leave a comment