Goma : le traumatisme et l’espoir de Sarah, une survivante des violences sexuelles atteinte du VIH/SIDA

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Sarah, nom d’emprunt, est une jeune femme de 19 ans qui a survécu aux violences sexuelles dans le contexte des combats entre le M23 et l’armée congolaise, en mars dernier, pour le contrôle de la cité minière de RUBAYA, dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu. La jeune femme ne s’est pas, cependant, totalement remise du choc d’apprendre qu’elle avait contracté le VIH/SIDA, à la suite du viol, même si pour la grossesse attrapée, elle a plutôt choisi de protéger la vie humaine qu’elle porte en elle.

Lorsque les combats éclatent entre le M23 et les forces pro-gouvernementales, en Mars dernier, autour de Rubaya, Sarah et son marie ne quittent pas la cité. Sa décision de partir ne sera prise qu’après la mort de son mari qui avait pris une balle. Sur le chemin de sa fuite, Sarah va rencontrer, près de la cité de Mushaki, trois hommes armés, habillés en tenue civile et portant de godillons (Botte en caoutchouc). Ses bourreaux vont la prévenir que si elle résiste, ils la tuent. « Face à cette menace, je les ai laissé faire, pour vu qu’ils me laissent la vie », témoigne-t-elle.

Malgré ses blessures physiques et morales, Sarah poursuit sa fuite des combats et atteint Goma 3 jours après. Elle rejoint ses parents au camp des déplacés KASHAKA SHABINDU, installé à Mugunga, dans l’extrême Nord-Ouest de Goma. A son arrivée, elle parle de son cas uniquement à sa maman qui garde cela secret. C’est seulement un mois après, lorsque Sarah ne voit pas ses règles que les deux femmes se rendent dans un centre de santé du camp Kashaka Shabindu où la victime est dépistée positive au VIH/SIDA et à la grossesse.

Entre douleurs générées par le VIH et l’espoir de sauver une vie

Sarah ordonne les infirmiers de lui administrer une dose mortelle quand on lui apprend sa séropositivité. « Je savais qu’attraper le VIH/SIDA était la fin du monde’ », laisse-t-elle entendre. 8 mois après, Sarah cohabite malgré elle avec la maladie mais ne s’est pas suicidée grâce à un appui psychologique d’Agnès Otema, une assistante psycho-sociale bénévole au camp des déplacés Kashaka Shabindu. « Elle me console sur mon infection et me rassure sur ma crainte de mourir lors de l’accouchement », témoigne Sarah. Le traumatisme lié au viol, à la maladie et à la grossesse, pose des soucis à Sarah, qui pense parfois qu’elle est discriminée, selon l’encadreuse psychosociale. « Elle devient parfois impulsive. Elle a déjà tenté d’aller se perdre, à cause de simples disputes avec son entourage », explique Agnès Otema.

Avec un peu de courage, Sarah a fait le choix de garder la grossesse jusqu’à l’accouchement lorsque les infirmiers lui ont demandé s’ils pouvaient l’aider à avorter. Sa décision a été renforcée par l’assistante psycho-sociale, Agnès Otema. Celle-ci explique : « Nous lui avons expliqué les avantages de garder le bébé au lieu de l’avorter malgré le viol ». Sarah est dans le dilemme d’une jeune femme qui venait de passer deux ans dans le foyer sans enfant, indexée et traumatisée par la communauté qui la présentait comme une femme stérile, et la situation d’une jeune femme qui porte une grossesse qu’elle n’a pas désirée et dont elle ne connait pas l’auteur. Malgré le traumatisme engendré par cette grossesse, elle espère laver l’image négative, que la société lui colle, en mettant au monde un bébé. Mais malgré tout, elle ne croit pas survivre à l’accouchement comme elle est atteinte du VIH/SIDA. « Ce qui me préoccupe c’est qu’on me prenne en charge de sorte que si je meurs à l’accouchement, que l’enfant soit au moins sauvé », dit-elle.

Pour l’aider à sortir de ce traumatisme ou à se stabiliser, Agnès Otema (Qui est aussi une femme déplacée de guerre de Rutshuru, actuellement installée dans un quartier de Goma) est toujours autour de Sarah. Elle encadre 280 femmes survivantes des violences sexuelles enregistrées dans le camp Kashaka Shabindu. Ces femmes suivent, 3 fois la semaine, des séances de détraumatisation dans une salle qu’Agnès Otema a dénommé ‘’ESPACE SÛR’’.

L’assistante psycho-sociale fournit, depuis février 2023, tant bien que mal, des efforts, sans financement, mais juste par expérience et par volonté d’aider, pour détraumatiser les survivantes des violences sexuelles. La situation est en effet préoccupante, car le camp Kashaka Shabindu notifie une moyenne de 3 cas des violences sexuelles chaque jour, à en croire son président, Ami Muhima Binwa. Celui-ci associe cette évolution troublante à la précarité qui oblige les femmes déplacées à se rendre régulièrement dans le parc des Virunga à la recherche d’aliments et de travail, pour nourrir leurs familles. C’est là que certaines rencontrent des présumés combattants armés qui les violent. ‘’Les survivantes des violences sexuelles ont accès uniquement aux soins de santé. Le reste des étapes du processus de référencement ne suivent pas. Les survivantes ont besoin, pour le moment, de la réinsertion sociale pour pouvoir faire face leurs traumatismes’’, plaide Agnès Otema.

Utilisée comme une arme de guerre, les violences sexuelles demeurent un véritable fléau dans l’Est de la RDC. Le Nord-Kivu a recensé à lui seul, en 2023, 50 195 cas des violences basées sur le genre dont 10% des hommes et 90% des femmes, précise le rapport annuel de la division provinciale du genre.

FREDERIC FERUZI

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