Les prisons de la RDC, héritées pour la plus part de l’époque coloniale, souffrent actuellement de la surpopulation carcérale qui entraine des violations graves de droits de l’homme. Cette surpopulation est aussi selon plus d’un observateur un autre signe du dysfonctionnement de l’appareil judiciaire congolais. En septembre dernier, la fondation Bill Clinton pour la paix, une organisation des droits de l’homme en RDC, a présenté les chiffres pour le cas de la principale prison du pays, la prison de Makala, à Kinshasa. Elle regorge 12 168 détenus préventifs et quelque 2200 condamnés sur 14 368 prisonniers. La prison centrale de Makala a enregistré 505 décès entre janvier et Novembre 2023, indique le rapport de la Fondation Bill Clinton publié le 6 décembre, à Kinshasa.
Dans la plupart des prisons du pays, c’est la même situation. Les prisons de Goma, de la commune rurale de Masisi et de la cité de Walikale, dans la province du Nord-Kivu, dans l’Est de la RDC, ont régulièrement rapporté des cas des prisons surpeuplées et dans lesquelles les détenus mourraient de faim. Entre janvier et juin 2023, 80 cas de décès ont été notifiés. Les organisations de la société civile congolaise accusent au-delà de la surpopulation carcérale, les mauvaises procédures judiciaires qui consistent à arrêter des hors-la-loi sans pouvoir les juger. D’autres prisonniers sont jugés mais leurs verdicts ne sont pas prononcés, car les juges exigent de l’argent. « Plusieurs cas sont en souffrance au niveau de magistrature et cours et tribunaux qui attendent qu’on leur donne l’argent pour se prononcer. Toutes les prisons de la RDC sont au rouge », explique Emmanuel Adu, Président de la fondation Bill Clinton en RDC.
Outre les décès suite aux conditions de détention rendues difficiles par le surpeuplement des prisons, les détenus mangent difficilement, une fois par jour dans certaines prisons. Ils n’ont pas d’encadrement en éducation pénitentiaire et voient parfois la prison devenir un lieu de radicalisation, fait savoir le rapport de plaidoyer rendu public le 16 septembre à Goma, par la synergie des organisations des droits de l’homme (SUWE).
L’Etat prend pourtant ses responsabilités
Interrogée sur les 505 détenus décédés à la prison centrale de Kinshasa, Lydia Masika, directrice générale de l’administration pénitentiaire au ministère de la Justice ne reconnait pas ce chiffre mais plutôt la surpopulation. Elle explique celle-ci par de mauvaises procédures judiciaires qui sont assez lentes et vicieuses. Elle parle des discussions en cours au niveau du cadre de concertation entre le ministère de la Justice et le Conseil supérieur de la magistrature pour désengorger notamment la prison centrale de Kinshasa.
A l’intérieur du pays, les organisations de la société civile poursuivent le plaidoyer auprès des autorités pour trouver une solution à la surpopulation carcérale et limiter ses conséquences sur les détenus. André Ushindi, activiste des droits de l’homme à Walikale plaide pour l’organisation d’une table-ronde avec les autorités locales et le ministre provincial de la justice pour réfléchir sur le désengorgement de la prison. Il plaide aussi pour l’organisation d’un procès pour les détenus qui n’ont jamais été jugés, afin d’identifier ceux qui peuvent être libérés et laisser de la place en prison.
Par Frédéric Feruzi
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