L’armée chinoise, en pleine expansion, s’est dotée d’un nombre impressionnant de navires et d’avions, mais la plateforme qui connaît la croissance la plus rapide est sans doute celle des avions de transport, ces appareils lourds conçus pour transporter des troupes et du matériel. La Chine exploite actuellement 11% des avions de transport stratégique en service, mais devrait atteindre 18% d’ici à la fin des années 2020, ce qui en fait la flotte qui croît le plus rapidement au monde, selon Aviation Week.
Comme d’autres matériels militaires chinois, la flotte de transport aérien est basée sur des conceptions de l’ère soviétique. Depuis les années 1990, Pékin utilise un petit nombre d’Il-76 et de ses dérivés pour le transport et d’autres missions.
La flotte de transport aérien militaire de la Chine se développe « à partir d’une base très faible », a déclaré Timothy Heath, chercheur principal en défense internationale au groupe de réflexion RAND Corporation. Étant donné que la Chine est désormais la deuxième plus grande armée du monde, « il est probablement trop tard, si vous êtes un dirigeant chinois, pour commencer à construire cette flotte », a déclaré Timothy Heath à Insider.
Une présence mondiale

Le premier avion de transport lourd développé par la Chine est le Y-20, dont les travaux ont débuté au milieu des années 2000. L’aéronef a effectué son premier vol en 2013 et est entré en service en 2016. Le nombre exact d’appareils en service n’est pas connu, mais on pense qu’il est inférieur à 20.
Le Y-20 mesure environ 45 mètres de long et 15 mètres de haut, avec une envergure de 48 mètres, il dispose d’une autonomie d’un peu moins de 8 000 kilomètres. Il porte officiellement le nom de code « Kunpeng », le nom d’un oiseau de la mythologie chinoise qui volait sur des milliers de kilomètres, mais il est également appelé « Chubby Girl », en raison de son fuselage volumineux.
Les Y-20 sont destinés à soutenir le commandement et le contrôle aéroportés, la logistique et les largages, le ravitaillement en vol, la reconnaissance stratégique, ainsi que l’aide humanitaire et les secours en cas de catastrophe, selon le dernier rapport du Pentagone sur l’armée chinoise. Mais « fondamentalement », les avions de transport de la Chine sont « importants pour transporter rapidement des troupes sur de longues distances », a précisé Timothy Heath.

La Chine n’a qu’une seule base à l’étranger, à Djibouti, mais ses intérêts dans le monde entier ne cessent de croître. Les gros appareils de transport donnent à l’Armée populaire de libération de la Chine la possibilité de « répondre rapidement à une crise sur une vaste zone géographique » dans le cadre d’opérations allant du transport de troupes aux évacuations non combattantes, a expliqué Timothy Heath. « Un grand nombre de ces missions sont importantes pour renforcer l’influence de la Chine », a-t-il ajouté. « Cela aidera sans aucun doute l’APL à devenir une armée plus présente dans le monde.
Les Y-20 font également l’objet d’une « familiarisation géographique », volant dans l’ouest de la Chine, près de la frontière contestée avec l’Inde, pour tester leur capacité à gérer les environnements froids et montagneux et les hautes altitudes, ainsi que dans l’environnement maritime de la mer de Chine méridionale, a précisé le chercheur.
Un Y-20 a été vu sur une piste d’atterrissage de Fiery Cross Reef en décembre, lors de ce qui aurait été le premier vol de l’appareil vers les îles Spratly, à l’ouest des Philippines. Fin mai, la Malaisie s’est plainte d’une « violation » de son espace aérien au-dessus de la mer de Chine méridionale par un groupe d’Il-76 et de Y-20 chinois. Une source militaire chinoise a déclaré au South China Morning Post que les avions se familiarisaient « avec les conditions météorologiques et la situation en mer de Chine méridionale ».
De plus grandes ambitions

Les missions de l’Y-20 sont appelées à se développer. Pékin a mis l’accent sur les opérations aéroportées, et il pourrait remplacer les anciens avions Y-8 et Y-9 pour des missions spéciales comme le contrôle aérien et le renseignement aéroportés, selon Timothy Heath. Le ravitaillement en vol pourrait être l’ajout le plus important, en étendant la portée et la durée des opérations de combat chinoises.
La Chine dispose actuellement de quelque 25 appareils — des bombardiers et des Il-78 modifiés — qui assurent le ravitaillement en vol, mais l’avion-citerne Y-20U est appelé à les remplacer. Un Y-20U aurait effectué son premier ravitaillement en vol avec succès en décembre 2018, et des images satellites publiées en début d’année suggèrent que la production en série des Y-20U a déjà débuté. Les analystes chinois reconnaissent que le Y-20U n’est pas à la hauteur des ravitailleurs occidentaux, mais ils affirment qu’il s’agit d’un « équipement clé pour faire face au besoin extrêmement urgent de notre armée en matière de capacité de combat à longue distance ».

Comme pour d’autres avions chinois, les moteurs constituent une lacune pour l’Y-20. Il a été équipé de moteurs de conception soviétique mais serait en train d’être testé avec un moteur plus récent, de conception nationale, qui lui donnerait une plus grande portance et un plus grand rayon d’action, lui permettant de transporter jusqu’à 68 tonnes de charge utile. Les rapports indiquent que les moteurs de conception soviétique « ne sont pas très fiables et sont généralement moins performants » que les moteurs occidentaux et russes actuels, a déclaré Timothy Heath. « Ces avions constituent donc un pas en avant pour les Chinois, mais ils sont encore loin d’être des avions de premier ordre. »
Le rythme des travaux et l’éventail des missions envisagées pour les avions de transport chinois reflètent les ambitions militaires plus larges de Pékin, qui dépasse les Russes, sur lesquels la Chine s’est appuyée pour son approvisionnement et son savoir-faire.
« Je pense que les Chinois sont intéressés à aller dans des directions dans lesquelles les Russes ne sont jamais vraiment allés trop loin — par exemple, le déploiement de troupes sur de longues distances par avion », a expliqué Timothy Heath. « Ils ont des ressources que les Russes n’ont tout plus, donc à bien des égards, ils s’appuient sur les Russes mais commencent maintenant à dépasser une grande partie de ce qu’ils leur ont appris.
Business insider