Par Frédéric Feruzi
La drépanocytose ou anémie falciforme est une maladie génétique des globules rouges caractérisée par la présence d’une hémoglobine anormale (l’hémoglobine S) qui, en se polymérisant, les fragilise et leur confère leur forme typique en faucille (anémie hémolytique chronique), selon Orpha.net. Le 19 juin 2021, le monde a célébré la journée de la lutte contre ce mal silencieux.
Chef de département de la pédiatrie à l’hôpital général de référence du Nord-Kivu, à Goma, le docteur Marie Kinamubanzi donne une définition toute simple de la drépanocytose, loin de cette définition tout élaborée. ‘’La drépanocytose est une maladie du sang. Le malade a une hémoglobine qui est anormale. Il fait des anémies à répétition, il fait des crises douloureuses. Au fait, il est anémique d’une manière chronique et il s’habitue à son anémie. Il va grandir donc difficilement du fait qu’il est anémique chronique’’, fait-elle savoir.
La drépanocytose est un mal ambiant mais ignoré du grand public. Selon les chiffres d’Orpha.net, l’Afrique centrale et de l’ouest sont touchées à hauteur de 15 à 25%. À l’hôpital général de référence du Nord-Kivu, 3 cas sont suivis alors que 5 autres ont été soignés durant le seul mois d’avril dernier. A ce niveau, les cas répertoriés dans les autres hôpitaux de référence de Goma ne sont pas mentionnés.
Selon le docteur Marie Kinamubanzi, il y’a de plus en plus de cas de drépanocytose actuellement à Goma qu’il y’a 20 ans. Elle attribue cela notamment à la mobilité des populations congolaises de régions à d’autres. Selon les renseignements dont elle dispose, l’ex-province orientale et les provinces du centre vers l’ouest du pays enregistraient jusque récemment plus de cas que celles de l’Est.
Avec un traitement et un suivi efficaces, un drépanocytaire (malade de drépanocytose) peut vivre plus longtemps. Mais, l’important serait de couper la chaine de transmission de la drépanocytose aux générations futures de la RDC, souhaite le docteur Marie Kinamubanzi.
L’espoir que portent les futurs jeunes mariés
Maladie génétique ou héréditaire, la drépanocytose touche en général les enfants, selon le docteur Marie Kinamubanzi. ‘’L’enfant né avec cette maladie, mais la maladie commence à se manifester vers l’âge de 6 mois’’, dit-elle.
L’apparition de la maladie n’est pas sans complications chez l’enfant. ‘’ L’enfant va commencer à poser des problèmes de santé, notamment des crises, des crises douloureuses. Il peut faire des anémies à répétition, il peut faire des infections à répétition. Donc, c’est une maladie qui rend l’enfant fragile souvent’’, explique le docteur Marie Kinamubanzi.
Grâce aux examens prénuptiaux, les jeunes qui entendent se marier peuvent contribuer à mettre en place une génération sans drépanocytose, prévient la pédiatre. Dans le cas où ils sont atteints, les jeunes fiancés peuvent décider de se séparer. S’ils décident d’aller jusqu’au mariage, ils peuvent se mettre d’accord de ne pas avoir des enfants, pour éviter des drépanocytaires, selon le docteur.
Comment un couple drépanocytaire se compose-t-il ?
La drépanocytose est une maladie qui est dans les gènes. Il s’agit des gènes qui ont subi une mutation, explique le docteur Marie Kinamubanzi. Celle-ci fait savoir qu’il existe principalement deux types de porteurs de la drépanocytose. L’un des types est susceptible de vivre avec la maladie sans en avoir conscience jusqu’à ce qu’une circonstance extrême la révèle. L’autre type fait des crises régulièrement et nécessite un traitement aussi régulier.
Le docteur Marie Kinamubanzi indique que pour les futurs couples qui veulent prévenir des cas de drépanocytose dans leur descendance, les examens prénuptiaux constituent une prévention primaire.
Ces examens permettent de définir le statut de chacun des partenaires par rapport à la drépanocytose. Les résultats peuvent révéler 3 états principaux : un hétérozygote, un homozygote et un non-atteint. Les hétérozygotes sont appelés techniquement ‘AS’, les homozygotes sont des ‘SS’ tandis que les non-atteints sont des ‘AA’.
Les homozygotes sont malades sur le plan biochimique et clinique. Ils sont des drépanocytaires majeurs, selon le docteur Marie Kinamubanzi. Les hétérozygotes sont des drépanocytaires mineurs. Ils sont malades du point de vue biochimique mais en bonne santé sur le plan clinique.
Selon le docteur Marie Kinamubanzi, un mariage entre 2 personnes AS conduit forcement à la reproduction d’un enfant drépanocytaire. Toutefois, dans le cas où un AS et un AA se marient, ils peuvent mettre au monde un enfant en bonne santé ou un enfant drépanocytaire mineur.
Les jeunes prévenus peuvent aider à composer des générations préservées de la drépanocytose, espère le docteur Marie Kinamubanzi. Ils ne doivent pas attendre les examens prénuptiaux, ils peuvent recourir à l’électrophorèse de l’hémoglobine, un examen désormais disponible à Goma, fait savoir cette expérimentée du traitement de la drépanocytose.
La sensibilisation des jeunes que fait le docteur Marie Kinamubanzi est motivée par les souffrances qu’elle a déjà observées chez les enfants drépanocytaires qu’elle soigne depuis 25ans, à l’hôpital général provincial de référence à Goma. ‘’C’est un grand risque que nous prenons en procréant des homozygotes. Ce sont des enfants qui souffrent, parce qu’ils sont régulièrement à l’hôpital, ils se posent des questions, ils se disent mais, pourquoi moi tout le temps je dois être à l’hôpital. Donc, ils doivent être suivis aussi par un psychologue parce que ce n’est pas quelque chose de facile à accepter’’, explique-t-elle.
Elle met toutefois en garde contre toute stigmatisation des enfants drépanocytaires dans les familles.