Puissante et nombreuse, l’armée populaire de Chine gagne en influence sur la scène internationale, comme l’exige le président Xi Jinping. Mais c’est aussi une force qui manque d’expérience du combat. Une faiblesse qu’elle entend bien surmonter avant d’attaquer Taïwan.
L’armée chinoise (Armée populaire de libération, PLA) a de l’ambition. Elle aura, prévoit-elle, réalisé sa modernisation totale d’ici à 2035. Et elle sera devenue en 2049, soit 100 ans après l’avènement de la République populaire de Chine, une force militaire de classe internationale.
En avance sur son calendrier
À l’évidence, cette armée est en avance sur son propre calendrier. L’armée de Terre chinoise dispose déjà des effectifs les plus importants au monde, soit 1,3 million de soldats d’active. La marine surclasse, en nombre de bâtiments, l’US Navy et ses 296 unités. L’armée de l’air chinoise est déjà sur le podium mondial, sur la 3e marche certes, mais ambitionnant de gagner des places.
Parité stratégique atteinte avec les États-Unis
Officiellement, son budget militaire ne représente que 1,3 % du PIB. Toutefois, au cours des dix dernières années, la hausse moyenne annuelle de l’enveloppe a été de 8 %. Le budget de la Défense pourrait passer de 174 milliards de dollars en 2019 à 270 milliards en 2023, selon le dernier rapport annuel du DoD, le ministère américain de la Défense qui reconnaît que la PLA surclasse les forces US, non seulement au niveau de la flotte de combat mais aussi dans les domaines de la défense antiaérienne et des missiles sol-sol balistiques.
Le constat est indiscutable : la Chine a bien atteint la parité stratégique avec les États-Unis.
Toutefois, la parité opérationnelle est loin d’être acquise, le Pentagone conservant une bonne longueur d’avance en termes de fiabilité des armements, de maîtrise du champ de bataille, d’entraînement et d’aguerrissement. Il faut dire que les guerres d’Irak puis les opérations anti-insurrectionnelles en Afghanistan et au Proche-Moyen-Orient ont forgé un outil, critiquable certes, mais redoutable. Ce dont Pékin est bien conscient.
Pas de bataille depuis quarante-deux ans
L’armée chinoise a livré sa dernière grande bataille en février 1979 et subi une défaite assez embarrassante contre l’armée vietnamienne qui avait envahi le Cambodge. Hormis quelques escarmouches navales (comme en 1998) ou au Cachemire avec l’Inde, cette armée n’a donc pas l’expérience du feu.
Lors de son départ en retraite, en 2018, le général He Lei, commandant adjoint de l’Académie des sciences militaires, a amèrement regretté de ne pas avoir connu le feu. Sa remarque s’inscrivait parfaitement dans la rhétorique officielle de la PLA dont l’organe de presse interne, le PLA Daily, a cité à 565 reprises entre 2012 et 2018, la maladie de la paix.
Une maladie dont les symptômes seraient un certain laxisme de la hiérarchie, un entraînement déficient et un manque de réactivité. Ce sont des travers que le président Xi Jinping lui-même a dénoncés dès 2015 en parlant des cinq incapacités de l’encadrement, qui comprendrait mal les ordres et qui manquerait de l’esprit de jugement, d’initiative, de décision et de combativité.
Xi Jinping exige une aptitude au combat permanente
Depuis 2017, Xi ne cesse donc d’insister sur la préparation opérationnelle, exigeant même en janvier dernier une aptitude au combat permanente.
S’entraîner est donc impératif ; mais le faire en vase clos est contre-productif. C’est pourquoi la PLA recherche toutes les occasions d’acquérir des savoir-faire et de l’expérience. Pékin s’est ainsi massivement engagé dans les opérations onusiennes de maintien de la paix (Liban, Soudan, Mali etc.). C’est pourquoi la PLA n’hésite pas à sortir de son pré carré pour participer à des opérations humanitaires (en Libye pour évacuer des ressortissants) ou à des actions de lutte contre la piraterie maritime (depuis 2008, dans l’océan Indien).
Enfin, les armées chinoises prennent fréquemment part à des exercices binationaux ou multinationaux. Et même avec les forces US qui restent pour les Chinois un modèle à copier, à égaler et à surpasser.
Philippe CHAPLEAU(Ouest-France)
0 Comments