La situation sécuritaire qui prévaut actuellement en province du Nord-Kivu dans l’Est de la RDC freine le développement socio économique de plusieurs entités de cette province. C’est ce qu’on peut retenir de l’analyse du contexte sécuritaire publiée à Goma par la coordination provinciale de la Nouvelle Société Civile Congolsise.
Dans ce document de 4 pages, cette structure qui déplore les conséquences de cette instabilité sur la vie de la population, appelle les autorités à tout le niveau à s’impliquer pour que la paix revienne dans la région et permettre ainsi le décollage de cette partie du pays en termes de développement.
Voici l’intégralité de cette analyse du contexte sécuritaire :
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
NOUVELLE SOCIETE CIVILE CONGOLAISE
« NSCC »
COORDINATION PROVINCIALE DU NORD KIVU
ANALYSE DE CONTEXTE SECURITAIRE DE LA PROVINCE DU NORD KIVU
0. SITUATION GENERALE
Depuis plus de deux décennies, la Province du Nord-Kivu, située dans la partie Est de la République Démocratique du Congo, est confrontée à une insécurité caractérisée par l’activisme des groupes armés nationaux et étrangers. A ceci s’ajoute d’autres bandes armées difficiles à identifier, lesquelles opèrent d’une manière spontanée dans plusieurs agglomérations. La présence de ces groupes et bandes armés, occasionne des affrontements à répétition entre eux d’une part, entre eux et les FARDC d’autre part. Cette insécurité exacerbée par des affrontements à répétition a comme conséquences le déplacement massif et répétitif des populations, suivi des tueries, des assassinats ciblés, des kidnappings, incendies des villages, …
Suite à la présence et l’activisme de ces groupes armés en province du Nord Kivu, l’armée a lancé des opérations de traque pour tenter de remettre l’ordre et la sécurité, opérations qui continuent jusqu’aujourd’hui dans tous les territoires du Nord Kivu. Aujourd’hui, la province est donc une zone opérationnelle.
I. CONSEQUENCES DE L’INSECURITE AU NORD KIVU
Tous les territoires du Nord-Kivu, devenus les champs de batailles de chaque jour, nous disons que Beni, Lubero, Rutshuru, Nyiragongo, Masisi et Walikale, subissent un réel frein au développement socio-économique de la région. Egalement, les trois (03) villes du Nord-Kivu (Goma, Butembo et Beni) ne sont pas épargnées de cette insécurité dont des hommes porteurs d’armes ne cessent d’endeuiller les paisibles citoyens.
a. BENI
L’activisme des rebelles ougandais de l’ADF, auteur des massacres de la population, a poussé des milliers d’habitants sur le chemin de l’exile, dans la mesure où plusieurs villages sont restés déserts après l’incursion de ces rebelles étrangers. Depuis 2014, l’on compte une multitude de civils tués lors des attaques de ces hors la loi. Il faut dire que, malgré les opérations en cours dans la région, la menace reste toujours grande à telle enseigne que les attaques contre les civils se poursuivent par ces ADF. En plus des massacres des populations civiles, il y a des personnes sont emportées dans la brousse par les assaillants, réduisant des villages entiers en cendres. A part ces ADF, les groupes « Mai-Mai » opèrent aussi dans plusieurs lieux du territoire de Beni, et ceci ne facilite pas la tâche aux Forces Armées de la RDC obligées de poursuivre deux lièvres à la fois. Pareille situation est à l’origine des déplacements des populations entraînant trop de conséquences sur l’éducation des enfants qui sont contraints de se déplacer avec leurs parents, avec un stop à leurs cours, mettant en péril l’avenir de ces futurs cadres du pays.
b. LUBERO
Le territoire de Lubero à son tour, est confronté à l’activisme des groupes armés locaux, à savoir les « Mai-Mai ». Ces derniers sont auteurs de plusieurs exactions contre la population civile. Ils se rendent régulièrement coupables d’actes de tortures, extorsions, arrestations arbitraires, kidnappings,… Comme si les affres de « Mai-Mai » ne suffisaient pas, il y a certains éléments de l’armée régulière qui se livrent à tracasser la population civile sur l’axe Lubero-Kasugho, où un élément FARDC a mis fin à la vie d’un civil parce qu’il a refusé d’obtempérer aux travaux forcés en février 2021. Suite à la recrudescence des cas de kidnapping sur l’axe Lubero-Butembo, les autorités locales ont suspendu la circulation des engins roulants aux heures vespérales pour tenter de sauver la situation.
c. RUTSHURU
S’agissant du territoire de Rutshuru depuis plusieurs années, il faut préciser que ce territoire connait une insécurité grandissante, caractérisée par des cas de kidnapping devenus monnaie courante : les deux chefferies à savoir Bwito et Bwisha, sont touchées par ce phénomène. Les auteurs de cette insécurité ne sont autres que les groupes armés nationaux (les Nyatura, le NDCR et les Mai-Mai) d’une part, et d’autre part les groupes armés étrangers (les FDLR FOCA et RUD). Plusieurs meurtres et assassinats perpétrés par des porteurs illégaux d’armes à feu, sont maintes fois signalés dans ces deux chefferies. L’activisme des forces négatives dans le Rutshuru a eu comme conséquence la mort de six éco-gardes du Parc National de Virunga le 10 janvier 2021 à Nyamitwitwi, non loin de Nyamilima. Les FARDC ont lancé des opérations dans plusieurs zones de la chefferie de Bwito contre les groupes armés, mais ces opérations se soldent aujourd’hui par le déplacement de la population et la situation demeure toujours confuse sur le terrain. En territoire de Rutshuru, il y a également des éléments des FARDC qui se livrent aux tracasseries de la population ; tel est le cas du groupement Tongo où des militaires indisciplinés se livrent aux arrestations arbitraires de la population sous prétexte qu’elle collabore avec les forces négatives.
d. NYIRAGONGO
Pour le territoire de Nyiragongo qui est situé à la porte du Parc National des Virunga, où plusieurs bandes armées sont également opérationnelles, cet activisme d’hommes armés est à l’origine des cas répétés de kidnappings et d’assassinats. La preuve la plus frappante que l’insécurité y règne en maître absolu, c’est l’attaque du convoi du Programme Alimentaire Mondial, PAM en sigle, qui a eu comme bilan la mort de l’Ambassadeur italien en RDC, monsieur Luca Attanasio, le lundi 22 février 2021, et cela, sans parler de son garde de corps et le conducteur du PAM/Goma qui ont péri avec Lui.
Au-delà des groupes armés locaux qui sont actifs dans la région, on note également la présence des FDLR dans le Parc de Virunga ; ceux-ci opèrent même jusque dans la ville de Goma, notamment dans les quartiers de la partie ouest de la ville.
e. MASISI
Le territoire de Masisi est parmi les entités de la Province les plus touchées par l’activisme des forces négatives. Avec plus de dix groupes armés actifs, on y enregistre chaque semaine des cas légion de kidnapping et de meurtre. Les conflits fonciers récurrents dans la zone de Masisi sont dans la plupart des cas, à l’origine de l’insécurité dans la région. D’ailleurs, d’autres groupes armés, notamment les « BOHOZA » ont été créés dans l’optique de protéger des terres considérées comme menacées de spoliation par des particuliers. Ces groupes armés ont tué, violé, kidnappé, pillé, … Les FARDC se sont employées pour traquer ces groupes armés, mais ils sont toujours actifs dans la région malgré les opérations miliaires y poursuivies jusqu’à ce jour. Cette situation a aussi occasionné des mouvements de populations vers les zones peu sécurisées.
f. WALIKALE
Quant au territoire de Walikale, il compte aujourd’hui plus ou moins sept groupes armés actifs. Souvent, ces groupes armés exercent des belligérances entre eux, occasionnant ainsi des déplacements massifs des populations civiles. Plusieurs localités sont restées désertes suite à cette situation. Ces groupes armés se livrent à des tueries, extorsions, arrestations arbitraires, tortures, perception des taxes illégales, exploitation illégale des minerais, érection des barrières illégales, administration parallèle, … Cet activisme est même à l’origine de l’arrêt des cours dans plusieurs localités notamment à Mutongo dans le groupement Ihana.
g. GOMA, BUTEMBO et BENI
Dans ces trois villes, l’insécurité demeure permanente ; ceci se justifie par plusieurs cambriolages, nombre d’assassinats et autres formes d’insécurité occasionnées par des personnes porteuses d’armes. Malgré les efforts des services de sécurité, la situation semble être loin d’être maitrisée car l’insécurité est loin de dire son dernier mot.
Et à nous de nuancer que : « Nous avons compris que cette insécurité est en grande partie causée par la prolifération des groupes et hommes armés dans la province et la circulation incontrôlée d’armes à feu depuis plusieurs années ; tout ceci perçu comme fonds de commerce en faveur des fauteurs à nos troubles. Ayant compris que la persistance de cette insécurité n’a pas seulement comme conséquence les cas de meurtre, kidnapping, déplacement des populations, mais ce qui est à craindre est que les bénéficiaires de cette insécurité implantent une méfiance susceptible de naitre de cette persistance, entre la population et les autorités, notamment, les services de sécurité. Et nous pensons que c’est sur cet aspect que les auteurs de cette insécurité s’emploient pour créer une sorte de crise de confiance entre la population et ses autorités. Toutefois, l’espoir est encore possible à la seule condition que tout le monde joue correctement son rôle ».
II. RECOMMANDATIONS
Pour contenir cette situation, nous recommandons :
1. Au gouvernement congolais de :
Ø Renforcer la capacité d’actions des FARDC, c’est-à-dire, mettre des moyens en qualité RH, en moyens aériens dissuasifs, conséquents et modernes (matériels et financiers) à la disposition des militaires pouvant leur permettre de bouter dehors la menace ennemie ; et l’Armée devrait déjà avoir des unités anti-terro, dotées des capacités avérées en techniques de guerres asymétriques ;
Ø Moderniser le Ministère de l’Intérieur et Sécurité : rééducation technologique de l’Intelligence au Renseignement, télésurveillance des mouvements des peuples à la Migration, doter la Police Nationale Congolaise des ustensiles informatiques avec des logiciels modernes de surveillance sécuritaire, pour relevant tout défi ; l’exploitation micro-puces, l’usager des chiens policiers, chiens de garde pour dénicher les kidnappeurs et/ou suspects devaient être une réalité au Pays ;
Ø Pour exploiter la Télécommunication en RDC, chaque Maisons de Télécommunication actives en RDC, doit s’obliger à travers un Pacte public-privé, à ce que ses prestations garantissent la sécurité des citoyens congolais, sous peine de refus d’exploitation : ces Maisons fourniront leur expertise pour la localisation des kidnappeurs et/ou tout autre malfrat auteur d’insécurité ;
Ø Travailler sur le plan diplomatique avec le Rwanda et l’Ouganda pour que les groupes armés étrangers notamment les ADF et les FDLR puissent dialoguer avec leurs gouvernements respectifs et libérer ainsi les espaces congolais qu’ils occupent.
2. Aux Forces Armées de la RDC de :
· Traquer sans aucune complaisance tous les groupes armés nationaux et étrangers qui insécurisent le Nord Kivu ;
· Repenser les stratégies utilisées dans les opérations contre les forces négatives si les stratégies utilisées jusqu’ici ne donnent pas des résultats escomptés,
· Mettre en place des mécanismes d’anticipation des attaques rebelles contre les civiles ;
· Apprêter des brigades spéciales d’opération du type ARTEMIS congolais, pour anéantir les hors la loi armés.
3. A la MONUSCO d’ :
a. Appuyer les FARDC dans la traque des ADF, des FDLR et des groupes armés locaux, comme c’était le cas avec la FIB contre le M23,
b. Appliquer son mandat d’intervention avec ou sans les FARDC conformément à la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies quant à ce, et de ne pas rester inerte pendant que les populations se font massacrer.
4. Aux groupes armés locaux de :
– Déposer volontairement les armes et se rendre aux autorités compétentes au lieu d’attendre la puissance de feu des FARDC ;
– Participer à la restauration de la paix et de l’autorité de l’Etat en province, gage du développement.
5. A la justice d’ :
Enquêter sur les faits infractionnels et violations de droits humains commis par les groupes armés et déférer les auteurs devant les juridictions compétentes pour qu’ils répondent de leurs actes.
6. Aux pays voisins, notamment le Rwanda et l’Ouganda de :
Dialoguer avec leurs groupes armés présents sur le sol congolais, respectivement les FDLR et les ADF, pour qu’ils contribuent eux aussi à la pacification de la partie Est de la RDC.
7. A la population congolaise de :
Continuer à soutenir son armée, collaborer avec son armée et les services de sécurité en donnant des informations fiables sur les causes et les auteurs de l’insécurité afin de l’endiguer.
FAIT A GOMA, LE 13 MARS 2021
Pour la Nouvelle Société Civile Congolaise, NSCC,
Coordination Provinciale du Nord-Kivu :
Karpate TULINABO BUHURUMBA
Coordinateur Provincial
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