Harcèlement sexuel dans les universités de Goma : Une étudiante sort un morceau de verre pour stopper un CT qui tente de la violer

Une conférence sur les violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG) a été organisée à l’intention des étudiants ce 10 octobre, à Goma, à l’université de conservation de la nature et de développement de Kasugho (UCNDK-Goma). C’était en marge de la journée internationale des filles, célébrée chaque 11 octobre. L’occasion a donné lieu à quelques révélations de jeunes étudiantes.

Les abus sexuels riment encore avec les violences sexuelles qui ont fait proclamer la RDC, capitale du viol, la fois passée. Cette triste réalité marque tout autant les milieux universitaires en RDC. Influencés par une culture de non-dénonciation, beaucoup d’étudiants et d’étudiantes ne rapportent pas ce qui leur arrive. ‘’Cela fait que les données ne sont pas régulièrement actualisées’’, déplore Faustin Kambale, sensibilisateurà la division provinciale du genre du Nord-Kivu.

Les deux formes de violences sexuelles récurrentes dans les milieux universitaires à Goma sont l’abus sexuel et l’exploitation sexuelle. Elles figurent parmi les 16 formes de violences sexuelles définies par la loi congolaise sur les violences sexuelles.

L’abus sexuel et l’exploitation sexuelle

La différence entre l’abus sexuel et l’exploitation sexuelle n’est pas si complexe que l’on puisse l’imaginer. C’est la circonstance qui fait passer d’un bord à l’autre, indique Faustin Kambale.

On parle d’abus sexuel, lorsque l’auteur de l’acte a usé de son pouvoir indu pour nuire à la victime, en sollicitant des faveurs sexuelles à la victime. ‘’Là on voit le rapport du statut de pouvoir“, souligne Faustin Kambale.

L’exploitation sexuelle se définit elle en échange de service, de biens, de services, de promesses contre des faveurs sexuelles. ‘’Là il y’a le donnant-donnant’’, précise Faustin Kambale.

Du coup, une victime étudiante peut se retrouver dans l’une ou l’autre concept. On connait le phénomène ‘côtes sexuellement transmissibles’ dans les universités congolaises, qui est une forme d’exploitation sexuelle, mais les témoignages de Clarice et Élisabeth font craindre que les abus sexuels ne soient les plus répandus dans les universités de Goma.

Clarice, étudiante en G2 et ancienne défenseuse de droits des enfants a failli menacer un CT qui la harcelait pour se tirer de ses griffes.

‘’Je me suis fait remarquer par des enseignants lors de mes interventions et mes attitudes de leader. Un Chef de Travaux (CT), notre enseignant, s’est mis alors à me faire la cour. Un jour il m’a demandé mon numéro de téléphone, ce que j’ai refusé. Par la suite, il va le récupérer sur une liste de présence. Il m’a contacté un jour pour me dire qu’il m’aimait et qu’on devrait sortir ensemble, je me suis opposée à ça. Lorsqu’il m’écrivait sur whatsapp, je faisais une capture d’écran, pour en parler à une amie. Quand mon harceleur a insisté, je l’ai menacé d’en parler à notre chef de promotion, mais il a continué. J’ai mis ma menace à exécution et j’ai porté le cas devant la direction de l’université, mais aucune issue n’a été trouvée’’, raconte Clarice, qui a même envisagé quitter son université face à la pression de son harceleur. Elle a renoncé à cette idée quand elle s’est souvenue de la victoire qu’elle avait remportée lors d’un autre épisode d’harcèlement sexuel à l’école secondaire.

Son harceleur poursuit ses pratiques et recourt désormais à la ruse pour avoir dans son lit la belle Clarice. Il va tenter d’exploiter circonstances et influence des camarades de Clarice mais celle-ci reste vigilante, laisse entendre cette partie de son témoignage : ‘’ Un jour, alors que je sors avec mes amies pour manger dans un restaurant, je suis surprise que le serveur apporte à manger et à boire sur notre table alors que nous venions de terminer notre commande. Le serveur nous dit que c’est l’homme dans le coin, un peu plus loin derrière moi qui le lui a ordonné. Quand je regarde, je me rends compte que c’est le CT. Je rejette alors le don car je suis consciente de la motivation qui est là derrière. L’une de mes amies me supplie de manière insistante d’accepter, je le fais mais je ne consomme rien. Quand elles sont en train de manger, le CT vient solliciter à me parler en tête-à-tête. J’accepte sous influence de mes compagnes. On s’installe un peu loin de là, mais le CT n’est pas satisfait, il affirme que dans la chambre à côté, il serait plus à l’aise, j’accepte qu’on n’y entre, pendant ce temps je commence à tout enregistrer pour trouver une preuve en cas d’une plainte’’.

Clarice, obligée d’opposer la menace à la menace pour se sauver.’’ Une fois dans la chambre, le CT se met au lit et m’annonce qu’il va me prendre de force, advienne que pourra. Il va dans la douche pour se déshabilleraprès s’être saisi de la clé de la chambre et quand il en sort, j’ai brisé la bouteille de sucrée que je buvais et j’ai menacé de le poignarder d’un débris s’il ne me laissait pas sortir. Il me laissa alors libre. Le soir, je lui ai téléphoné pour lui annoncer que j’allais porter plainte et publier sur les réseaux sociaux les enregistrements des discussions que nous avons eues en chambre. Depuis ce jour-là, il a cessé de m’importuner’’,témoigne Clarice.

Élisabeth, étudiante en G1 alors, a vécu une expérience quasi-analogue

’A la sortie (d’auditoire), il m’a dit tu es très forte, je suis impressionné par toi. Je lui ai dit merci. On est rentré ensemble et on causait. En cours de route, il m’a demandé mon numéro de téléphone au motif qu’il me conterait pour passer un message aux étudiants au cas où il est empêché ou il y’a une autre situation. J’ai refusé, je l’ai renvoyé au chef de notre promotion qui en a la responsabilité et à le voir aux yeux, il m’avait compris. Plus tard, il va récupérer mon numéro sur une liste de présence. Un soir, il va m’appeler puis il va me proposer un rendez-vous mais je lui ai demandé de nous rencontrer dans la cours de l’université. Il m’a avoué ses sentiments pour moi et a souhaité un copinage. Il m’a dit qu’il m’aimait car j’étais belle et j’avais de belles lèvres, il rêvait de m’embrasser. Mais, Je lui ai résisté car c’était un homme marié. Il m’a sollicité une amitié simple mais à ma grande surprise, il a commencé à m’envoyer des images pornographiques sur Whatsapp’’, explique Élisabeth.

L’étudiante met en garde l’assistant harceleur mais il ne va pas abandonner ses bêtises.‘’Sur whatsapp, je l’ai prévenu que j’en parlerais à notre chef de promotion (CP) s’il continuait de me harceler avec ses images. Il m’a promis de cesser mais cette promesse, il ne va pas la respecter. Je suis allée informer le CP, qui l’a fait venir et a porté le cas auprès du porte-parole des étudiants. L’enseignant s’est excusé et depuis lors, il ne m’avait plus harcelé’’

Les cas de harcèlements sexuels sont légions dans les universités à Goma. L’UCNDK a pris conscience de cette réalité et a mis au point un projet qui vise à les éradiquer. L’objectif est d’emmener les étudiantes surtout à jouir de leur liberté intellectuelle en comptant uniquement sur leur travail pour passer de promotion. L’université est convaincue que cela contribue à la construction d’une société plus juste.

Délégué dans la conférence par la direction de l’UCNDK, le directeur de cabinet du recteur a expliqué que dans le règlement d’ordre de l’université, les relations de copinage entre enseignants et enseignés ou le harcèlement sexuel n’étaient pas tolérés. ‘’Une relation est à ce niveau tolérée que s’il s’agit des fiançailles officialiséeset qui mènent réellement au mariage’’, a précisé le CT Firmin Mahuka.

Frédéric Feruzi