Les témoignages sur l’apport d’Eric de Lamotte au développement de la culture à Goma étaient quasi-convergents parmi le public bien diversifié venu lui rendre les derniers hommages, en cet après-midi de ce vendredi au foyer culturel de Goma.
Principal initiateur du festival Amani, Eric de Lamotte, entrepreneur belge est mort le 17 Aout dernier. Sa créature, le festival Amani qui est devenu populaire au fur et à mesure, rassemble chaque année, depuis 2013, au moins 36 millions de ressortissants de la région de grands-lacs africains, notamment ceux de la région de l’Est de la RDC.
L’idée d’Eric de Lamotte est venue, en 2009 déjà, à la rencontre de rêves d’une jeunesse ambitieuse et pleine de talents artistiques à Goma. Ensemble, ils ont donné naissance au festival Amani, avec l’objectif de soulager le traumatisme d’une population meurtrie par de longues décennies de guerres sans cesse. Mais surtout, l’objectif est de faire parvenir au plus haut niveau de décideurs l’appel des congolais à la paix et au vivre ensemble des populations de la région, au-delà de faire chanter et danser pour la paix, pendant trois jours sur le site du collège Mwanga à Goma.
’Eric aurait été un dieu pour moi s’il n y’avait eu pas de Dieu Tout-Puissant’’
Déclaration d’Aline Karonde, l’une des principaux artistes du groupe folk intercommunautaire de la province du Nord-Kivu et veuve de l’artiste percussionniste, Joe Paluku, mort sur le site du festival Amani, la veille de l’ouverture de la 6ème édition, en 2019. Elle se souvient d’un Eric de Lamotte qui se conduisait en véritable père de famille avec les artistes qui participaient au festival Amani.
Les perceptions sur ce personnage mythique à Goma varient toutefois d’une personne à une autre, témoin ce que nous dit Yves Ndagano, artiste et directeur du festival international du théâtre au Nord-Kivu : ‘’L’art gomatracien a été découvert dans le monde grâce à Eric, à travers le festival Amani, on est reconnaissant…il a vendu beaucoup d’artistes de Goma, c’était un chic type, quoi !’’
Pour le journaliste reporter et correspondant en RDC de la télévision israélienne et du journal Congosynthèse.cd, Justin Kabumba, Eric de Lamotte a vendu une image positive de Goma qui était jusque-là connu comme un champ de bataille.
‘’Si aujourd’hui on peut parler de Goma sur le plan culturel, c’est parce qu’il y’a cet homme-là qui est venu et qui a vu que Goma ce n’est pas seulement l’insécurité, ce n’est pas seulement des femmes violées dont on parle, ou bien l’Est-ce de la RDC n’est pas seulement de groupes armés. Vous allez comprendre que c’est un homme qui a réfléchi et il a trouvé qu’on peut créer quelque chose qui est culturel et c’est bien le festival Amani’’, reconnaît Justin.
La mort d’Eric de Lamote, la fin du festival Amani ?
Pour plus d’un artiste interrogé, la réponse c’est non. Et celui qui exprime en premier cette position, c’est Bellamy Paluku, artiste et vedette du comité organisateur du festival Amani. Il lance un appel aux artistes de Goma à prendre conscience pour faire vivre les idées d’Eric de Lamote. ‘’Quelle est notre responsabilité ? Eric c’était le soleil, mais quand le soleil s’éteint, il faut une lune pour que les gens continuent à voir et c’est bien nous. Nous devons être cette lune en venant exploiter ce qu’il nous a laissé. Vous savez ce que ça représente une scène pareille avec autant de talents ? Mais on est combien ici ?’’, a-t-il exhorté.
En appui à Bellamy Paluku, Yves Ndagano précise : ‘’Eric ne travaillait pas seul au festival, il se faisait accompagner de plusieurs. D’ailleurs, je dirais qu’il avait déjà vu de loin sa mort venir. Il est parti après avoir mis en place un comité de gestion du festival Amani’’.
‘’Eric nous avait déjà appris à travailler, il nous a laissé toute la logique du travailler pour bien organiser le festival Amani’’ conclut Aline Karonde.
A Goma, la disparition d’Eric de Lamotte est évoquée un peu partout dans la ville, depuis le 17 Aout, au soir. Cette mort a réactualisé, sur les réseaux sociaux, le débat entre les soutiens et les opposants au festival Amani. L’un des internautes écrivait, sur Facebook, en début de la semaine que Goma était inconsolable d’avoir perdu Eric de Lamotte. Et un autre de lui répondre que cette affirmation était sans fondement.
Par Frédéric Feruzi